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Les syndicats professionnels de patrons ou d’ouvriers auront le droit d’ester en justice. Ils pourront employer les sommes provenant de cotisations. Toutefois, ils ne pourront acquérir d’autres immeubles que ceux qui seront nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques et à des cours d’instruction professionnelle. Ils pourront, sans autorisation, mais en se conformant aux autres dispositions de la loi, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites. Ils pourront librement créer et administrer des offices de renseignemens pour les offres et les demandes de travail. Ils pourront être consultés sur tous les différends et toutes les questions se rattachant à leur spécialité. Dans les affaires contentieuses, les avis du syndicat seront tenus à la disposition des parties, qui pourront en prendre communication et copie.


Cet article est intéressant à deux titres : d’abord, il indique bien le genre d’activité que le législateur reconnaissait aux syndicats et attendait d’eux : des études, des recherches, des renseignemens, des cours, des avis, sur ce qui concerne la profession ou le métier ; puis des fondations philanthropiques, caisses notamment de secours mutuels et de retraites. Il serait injuste de prétendre que tous les syndicats aient démenti cette attente du législateur ; on verra plus loin qu’un certain nombre ont créé diverses institutions qui ont été prévues par cet article 5 de la loi de 1884. Le second point qui attire l’attention sur cet article, c’est la restriction au droit d’acquérir des immeubles ; comme aucune restriction de ce genre n’est stipulée pour les biens mobiliers, on doit en conclure que les syndicats peuvent en acquérir sans limites ; mais on pourrait penser que l’emploi qu’ils en font doit avoir une des affectations mentionnées à cet article 6. Quant à la limitation du droit d’acquérir des immeubles, elle est de nouveau formulée dans l’article 8 qui confère au procureur de la République et à tout intéressé le droit de requérir la nullité de l’acquisition ou de la libéralité faite en infraction de l’article 6 et la mise en vente par adjudication des immeubles indûment acquis ou leur restitution aux donateurs ou à leurs ayans cause. On est surpris de ces dispositions et l’on en voit peu la cause. Est-ce une survivance de cette folle terreur de la mainmorte immobilière qui pouvait être justifiée sous l’ancien régime, mais qui n’a aucune raison d’être dans la société présente ? Il est évident que l’aisance ou la richesse induisent à la modération et à l’esprit conservateur. D’opulens syndicats ouvriers offriraient beaucoup plus de garanties