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aident la cause nationale par leur réserve, après l’avoir aidée par leur parole, il en est d’autres qui remplissent leurs colonnes de renseignemens qui, malheureusement, ne sont pas toujours faux. De telle sorte que les feuilles publiques allemandes, muettes sur ce qui se passe en Allemagne, sont pleines de détails sur les opérations militaires qui s’accomplissent chez nous. J’ai donc été obligé de mettre en vigueur, par un arrêté, la loi sur les mouvemens de troupes. Appliquez cet arrêté avec mesure et bienveillance. Mais si vos exhortations restent sans effet, poursuivez avec fermeté. Il faut que nous aussi, dans la limite de nos attributions, nous travaillions au triomphe de la patrie. » (25 juillet.)

Le même jour, j’insérai au Journal Officiel une note comminatoire. La circulaire, la note n’arrêtèrent pas plus les indiscrétions que ne l’avaient fait le vote de la loi et la publication de l’arrêté. Les journalistes nous bravèrent ouvertement. Le National affectait de publier toutes les nouvelles militaires ; le Figaro crut me punir en annonçant qu’il ne parlerait plus en aucune sorte de la guerre. Je le pris envers ces messieurs d’aussi haut qu’ils le prenaient envers moi. J’ordonnai des poursuites contre le National et je fis dire au Figaro que, loin de m’affliger de son silence, je m’en réjouirais. A la réflexion, je compris que je m’engageais mal, en ordonnant des poursuites. Quelque rapide que fût le jugement, il demandait quelques jours, et les indiscrétions continuaient pendant ce temps. J’arrivai à cette conviction que la seule manière efficace était de suspendre les journaux réfractaires, en vertu de l’état de siège, et de punir par la ruine matérielle ceux que la cupidité d’accroître leurs profits poussait à se rendre les éclaireurs de l’ennemi. Mais là, comme en ce qui concernait les conspirateurs, il ne fallait pas devancer le moment. J’ordonnai donc l’abandon des poursuites contre le National et j’attendis J’heure des mesures extrêmes. Cette attente avait d’autant moins d’inconvénient que, par une précaution administrative, nous pouvions conjurer les indiscrétions plus efficacement que par des arrêts de justice. Dans l’ordre général du service, la surveillance des télégrammes était spécialement confiée au ministère de l’Intérieur. Nous associâmes à cette surveillance le garde des Sceaux et nous décidâmes que tous les télégrammes privés relatifs aux faits de guerre ne seraient communiqués aux destinataires qu’après que ces deux ministres les