Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/505

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Marseillaise, ressuscitée pour la circonstance, n’avait réuni que sept mille lecteurs et avait dû suspendre encore sa publication. « Paris, s’écriait avec consternation Nefftzer, dans les bureaux du Temps, est redevenu bonapartiste. » Cette recrudescence était si accentuée que Delescluze conseillait à ses collaborateurs de ne pas trop heurter le chauvinisme français : il suffisait de soutenir l’Internationale destinée à renverser tous les rois. Chaque soir, aux départs des troupes, une population sympathique accourait et accompagnait les soldats de ses empressemens. Le départ de la Garde donna lieu à une manifestation touchante. Une foule animée entourait les casernes ; de tous côtés vibraient les cris de : Vive la Garde ! vive la France ! vive l’Empereur ! on chantait la Marseillaise ; on saluait les soldats de bravos répétés. A la vue des grenadiers marchant avec entrain, les clameurs redoublèrent ; jusqu’à la gare, la foule les suivit, et finit par porter en triomphe le colonel. A Lyon, on avait envoyé quelques lanciers pour dissiper les coquins qui hurlaient, mais les citoyens eux-mêmes les avaient déjà arrêtés et les livraient à la police, se constituant ensuite volontairement en gardes civiques pour empêcher le retour des scènes antipatriotiques. A Nantes, la population allait siffler le Phare de la Loire, et le journal républicain ayant prétendu que cette manifestation était l’œuvre de la police, l’Echo de l’Ouest, journal royaliste, lui riposta : « Non, ce n’étaient pas des agens de police. Nous connaissons les hommes qui vous ont sifflé. Nous y étions ; nous y serons encore demain. »

De toutes les manières et dans toutes les classes s’accentuait le sentiment patriotique. Flaubert écrivait à George Sand : « Voilà donc l’homme naturel. Faites des théories maintenant ! Vantez le progrès, les lumières et le bon sens des masses, et la douceur du peuple français ! Je vous assure qu’on se ferait assommer si on s’avisait de prêcher la paix[1]. » About écrivait de Sarreguemines au Soir : « Ne dites pas par ici que vous doutez de la victoire ; vous vous feriez lapider. MM. les correspondans de la Marseillaise qui n’ont pas rencontré un seul patriote sur leur chemin devraient venir à Sarreguemines. Ou plutôt non[2]. »

Le clergé s’associa avec éclat à cet élan national. Nul n’égale

  1. 25 juillet.
  2. Id.