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liberté, d’autre part, pour couvrir et réparer, aux dépens de la France, les effets lamentables d’une monarchie à la Napoléon. Double raison de craindre et de protester[1] ! » On soutenait que l’insulte à venger n’était qu’un prétexte, que « cette guerre, c’est l’Empire qui l’a voulue et que l’Empereur a attaqué l’Allemagne à l’improviste, en traître, » que « la véritable visée est de reprendre le Rhin[2]. » S’il en était ainsi, Victor Hugo avait-il le droit de s’indigner, lui qui avait tant réclamé cette conquête ? N’avait-il pas écrit : « Il y a déjà, dans le plateau de la balance où se pèsera un jour la question du Rhin, un grand poids, le bon droit de la France. Faudra-t-il donc y jeter aussi cet antre poids terrible, la colère de la France ? La rive gauche du Rhin appartient naturellement à la France. Comment, Dieu le sait, mais dans un temps donné, la France aura sa part du Rhin et ses frontières naturelles[3]. »

Les calomnies contre la cause nationale ne restaient pas enfermées chez nous ; on les rendait encore plus dommageables en les jetant à travers l’Europe pour l’ameuter contre notre cause et donner aux armes étrangères l’appui de la haine des peuples. « En tout temps l’Europe a cru, sur les affaires de France, ce que lui dit notre opposition, et comme il en existe une monarchique en même temps qu’une républicaine, cette action s’étend à tous les milieux[4]. » Un historien italien, analysant les difficultés que Rossi trouva à Rome, dans sa mission sous Guizot et dans son ministère après 1848, signale les préjugés du National et des journaux radicaux de France infiltrés dans l’esprit des rétrogrades autant que dans celui des libéraux.

En 1870, la parole de notre opposition arrivait d’autant mieux à l’Europe qu’elle lui était transmise par une phalange bien organisée de diffamateurs. Il n’y avait plus un journal étranger qui ne reçût une correspondance de Paris et n’y entretînt à cet effet un ou plusieurs rédacteurs. Quelques-uns étaient des hommes distingués, dont les lettres offriront aux historiens autant de profit que les rapports des ambassadeurs vénitiens d’autrefois ; la plupart, expulsés de leur pays, fruits secs aigris par l’insuccès, sans consistance, sans probité, appartenaient aux

  1. Louis Blanc, Rappel du 15 juillet 1870.
  2. Victor Hugo.
  3. Le Rhin.
  4. Chateaubriand.