Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui a été à l’intérieur pour tous les ajournemens et pour toutes les lenteurs, le cabinet du 2 janvier, ce cabinet inconsistant et mou, sans décision et sans couleur ; le cabinet qui a pour chef un homme dont le tempérament est aussi peu belliqueux que le nom, le cabinet des honnêtes gens, pour tout dire en un mot, répond-il aux exigences du moment ? Le pays désirait la guerre, et vous avez tout fait pour obtenir la paix, même au prix de notre dignité ; le pays voulait en finir avec la Prusse, et vous n’avez cherché qu’à retarder un conflit inévitable ; le pays attendait de vous quelque grande résolution, et vous lui avez proposé des ajournemens ; le pays voulait une solution, et vous avez passé huit jours à chercher des délais ; le pays n’est plus avec vous, et vous n’êtes plus avec le pays. Voilà ce que notre conscience nous oblige à dire au cabinet. » (16 juillet.)

Un des plus fidèles amis de l’Empereur, Persigny, fit mieux que de ne pas aider ceux qui travaillaient à notre renversement : il vint me demander de l’adjoindre à nous et confirma sa démarche par une lettre pressante : « Cher ministre et ami, je vous supplie de m’accorder la faveur que je vous ai demandée. Il me serait bien douloureux, après les services que je crois avoir rendus à l’Empire, de le voir exposé à de nouveaux périls et d’assister les bras croisés à de si grands événemens. Je ne mérite pas d’être confondu dans la bande de vos ennemis qui sont les miens. Dès les premiers temps, je vous ai tendu une main sympathique, tendez-moi la vôtre à votre tour. Ce n’est pas à l’Empereur, c’est à vous que je fais cette demande. Je vous paierai en dévouement chevaleresque et en services sérieux l’honneur que vous me ferez de m’associer à vos périls comme à votre gloire. J’ai l’espoir fondé de pouvoir contribuer à désorganiser l’armée de vos adversaires. Je m’engage, du reste, à donner ma démission aussitôt la guerre terminée. Quant à vous, un rapport de quelques lignes, comme vous savez les faire, peut faire accepter aisément du pays la pensée d’appeler auprès de vous le plus ancien et certainement l’un des plus dévoués amis de l’Empereur. J’espère, du reste, que vous ne me croirez pas l’âme assez basse pour interpréter ma démarche par une idée d’ambition. Quoi que vous décidiez, ne doutez pas de mon admiration pour vos hautes facultés, comme de ma profonde sympathie et de mon attachement sérieux pour votre personne. Votre tout dévoué. » (23 juillet.)