Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrive, tel que nous l’a montré la vivante description de M. Hermann ; et l’excellent Kubinke, qui a eu le malheur de s’endormir dans sa chambre durant l’après-midi, réussit cependant à rejoindre, dans un bal populaire du quartier, la grosse Hedwige accompagnée de son amie Emma. Hélas ! la chaleur du bal, un souper trop copieux, — naturellement aux frais du garçon coiffeur, — et puis un autre motif encore que nous ne tarderons pas à découvrir, obligent la grosse fille à regagner précipitamment sa chambre, laissant son cavalier en tête à tête avec la « longue » Emma, qui, cette nuit-là, faute d’un amoureux d’espèce plus relevée, ne refuse pas d’accueillir les complimens et cadeaux du petit Kubinke. Surprise de la générosité insolite du jeune homme, elle a vite fait d’imaginer, chez lui, l’existence d’économies ou de rentes valant un jour la peine d’être utilisées ; et l’on pense bien qu’elle ne va point manquer de faire part de sa conjecture à sa chère Hedwige, d’où résultera bientôt la catastrophe tragique destinée à détruire, d’un seul coup, le bonheur et la vie du pauvre Kubinke.

Car pendant que la « grosse » Hedwige et la « longue » Emma, toutes deux congédiées par leurs maîtres dès les mois suivans, disparaissent fort à propos de l’horizon du petit coiffeur, celui-ci se lie de plus en plus avec la gentille Pauline, et se France avec elle par un beau soir d’été, et forme le projet d’aller ouvrir un fructueux magasin de coiffure dans sa bourgade natale. Mais voici que, soudain, la fatalité s’abat sur lui sous la forme d’une lettre officielle l’appelant à se présenter devant un juge de paix, pour s’entendre condamner à pourvoir d’une pension alimentaire un enfant nouveau-né, dont plusieurs témoins s’accordent à lui attribuer la paternité. Cet enfant vient d’être mis au monde par la « grosse » Hedwige. Les témoignages invoqués sont ceux de la « longue » Emma ainsi que d’un détestable portier de la maison où se trouve le magasin de M. Ziedorn ; et toute l’aventure découle de l’ancienne erreur de la « longue » Emma, qui naguère, devant les offres généreuses du garçon coiffeur, s’est empressée de le croire assez riche pour qu’il y eût profit à exploiter sa parfaite ignorance de la vie réelle. Kubinke a beau protester, s’indigner, se fâcher : son attitude en présence du juge de paix n’aboutit qu’à irriter l’humeur volontiers acariâtre de ce magistrat. Le pauvre Kubinke découvre autour de soi tant de dureté et tant de mensonge, la nécessité de tenir tête à ses adversaires le remplit d’un tel effroi, et par-dessus tout il ressent une honte si amère à la pensée de la mauvaise opinion de sa chère Pauline, — qui pourtant, si seulement il osait l’aborder,