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l’Électeur de Saxe étant trop embarqué pour céder, à moins qu’il n’y soit forcé. » Polignac mettait les pouces.

C’est en recevant cette mauvaise nouvelle inattendue, que Conti avait abordé la rade de Dantzig et mouillé en face de l’abbaye d’Oliva. Il fut salué de trois coups de canon devant le fort de Wilmunde, et à cette maigre salve se bornèrent les honneurs qui lui furent rendus par la ville. Pas la moindre manifestation publique en sa faveur. Tous les officiers de l’armée devaient prêter serment au nouveau roi et le joindre ensuite. Ils s’en abstinrent. Le magistrat de Dantzig fit prévaloir le parti de Saxe[1] ; les bourgeois se déclarèrent pour lui, et la plupart des habitans de la cité manifestèrent leur mauvais vouloir à l’égard du nom français. C’est qu’ils avaient parmi eux une reine détrônée, notre adversaire la plus fausse et la plus dangereuse, comme nous l’avions appris trop tard à nos dépens.

Installée à Dantzig et surveillant les mouvemens du parti Conti, Marie-Casimire manœuvrait secrètement contre lui ; le prince put bientôt le constater. Le conseil de Dantzig consentit bien à le recevoir ; mais il refusa d’accorder la libre pratique à ses équipages, puisqu’il y avait déjà un autre roi de Pologne reconnu et couronné. Le magistrat de cette cité fit même envoyer de la cavalerie à Termunde, pour empêcher qu’on y fît un débarquement contraire à ses intentions. Dans des conditions si difficiles, le prince voulant respecter la neutralité d’une ville libre et ne pas compromettre sa sécurité personnelle, préféra rester à bord « jusqu’à ce qu’il eût été complimenté par les députés de son parti et qu’il vît un bon corps de noblesse venir au-devant de lui, pour le conduire en sûreté au lieu de leur assemblée. » Il descendit cependant deux fois à terre. Il y entretint les partisans qui manifestaient l’impatience de le connaître et ne pouvaient tous monter à bord de son vaisseau.

Le starote Olstienski fut expédié dans la petite Pologne pour y lever un millier de gentilshommes. Conti promit de payer deux quartiers aux corps de l’armée. On se plaignait qu’il n’eût pas amené de troupes. Cependant le cardinal primat envoyait des députés à Dantzig. Le prince eut avec eux plusieurs conférences. Des premiers arrivés il forma son conseil, avant de recevoir l’ambassade solennelle qu’on lui annonçait. Il leur jura de

  1. Gazette d’Amsterdam. Lettres de Dantzig, 25 et 29 septembre, 10 octobre 1697. (Archives de Dantzig.)