Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Puis, de son bord[1], sortant enfin de sa réserve obstinée, il écrivit au primat de Varsovie une lettre où il s’intitulait « François-Louis de Bourbon, prince de Conti, par la grâce de Dieu et l’affection de la nation, élu roi de Pologne et du duché de Lithuanie. » Dans cette lettre, digne du titre qui vient de lui être conféré, il déclare que, s’il ne s’est point empressé d’aller plus tôt témoigner sa reconnaissance aux Polonais, c’est afin de ne porter aucun préjudice aux coutumes du royaume. « C’est pour la même raison, affirme-t-il, qu’il reste à son bord, et qu’il n’a point amené de troupes avec lui. » Il n’appréhende pas que le couronnement de l’Electeur puisse aucunement préjudicier à son droit, attendu la maxime qui porte que ce qui est de nulle valeur dans son commencement ne peut être rendu valide par ses suites. Il met sa confiance dans les Polonais, ayant dessein d’éviter toute effusion de sang. Mais, en cas de besoin, il promet autant de forces qu’il en pourra être nécessaire. Il demeure prêt à employer ses biens, à exposer sa propre vie, pour la religion et la liberté du royaume.

Vaines promesses ! L’élu de Varsovie n’avait guère d’argent, peu ou point d’hommes. Quant à sa vie, il ne l’exposera pas longtemps : elle est trop chère à Mme la Duchesse !

La situation était trouble d’ailleurs. L’assemblée de la noblesse de la haute Pologne avait bien déclaré légitime l’élection du prince et sommé son concurrent saxon de quitter le territoire ; mais à cette sommation l’Electeur opposait la résistance, et dès son arrivée en rade de Dantzig, ville libre sous la protection de la Pologne, Conti trouvait de l’opposition, au lieu de l’accueil enthousiaste dont on l’avait voulu leurrer.

Le malheur, c’est que cette capitale de la Hesse était luthérienne, et que depuis 1725, les menées du Brandebourg l’avaient acquise à l’Electeur de Saxe[2]. Aussi, sous prétexte de neutralité, cruel contretemps, interdit-elle au prince de descendre de son vaisseau. En vain les grands seigneurs polonais s’étaient engagés à envoyer des troupes d’escorte au-devant de lui. Il ne tarda pas à apprendre que l’armée de Lithuanie qui devait venir le joindre s’était arrêtée court. « Il est certain, écrivait Polignac, le 30 septembre, que ceci ne se terminera pas sans guerre,

  1. Curiosités historiques, I, 241-243-290. Vanderest. Histoire de Jean Bart, p. 161.
  2. Lettres de Dantzig à Thorn, 1er et 4 octobre. (Archives de Dantzig.)