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France, de prendre, à l’égard de son cousin, une résolution définitive, tant qu’on ne serait pas mieux instruit de l’état des choses en Pologne. « On ne peut, écrivait-il à Polignac, commettre un prince français dans une aventure, sans connaître au moins de façon plus précise l’état des partis qui se disputent la couronne. »

Cependant, comme en fin de compte l’appel direct de la nation polonaise était arrivé officiellement, comme les lettres de Polignac continuaient à laisser croire que le parti français, entre tous, se manifestait le plus solidement dans le pays, Conti, de bon ou de mauvais gré, cédant à tous les conseils de Versailles et de Varsovie, se détermina à partir. « J’ai approuvé ce départ, » mandait Louis XIV à son ambassadeur. Dans la crainte que cette dépêche royale ne fût surprise en route, on omettait d’y indiquer l’itinéraire que devait suivre le prince, soit par terre, soit par mer.

Le 1er septembre arrive à Versailles un courrier plus pressant que jamais. Si le nouveau roi ne paraît pas immédiatement en Pologne, tout est perdu. Louis XIV n’en peut plus douter. Il se recueille et donne une longue audience à son cousin. Conti en sort les larmes aux yeux. Comment résister au Roi ? Il a consenti. Il répond au primat de Varsovie une lettre froide et mesurée, pour lui annoncer qu’il accepte la couronne. Son message sera traduit en polonais et répandu dans le pays. Le prince se prépare ensuite à quitter la France, le cœur gros. « Il était persuadé, dit Mme de Caylus, de n’y revenir jamais, » et l’amour lui semblait plus précieux que la couronne. Sans plus tarder et pour ne pas lui laisser le temps de reprendre sa décision, Louis XIV envoie l’ordre de faire des réjouissances dans toutes les troupes. Un Te Deum est chanté à l’armée du Rhin, avec accompagnement de salves de mousqueterie[1].

Les femmes voient surtout le brillant des choses. Cette fois, à l’aspect si prochain d’un trône, la princesse de Conti parut transportée de joie. Tout son entourage était à l’unisson. M. le Prince se rengorgeait, en pensant à la grandeur attendue pour son gendre, grandeur dont il aurait le reffet. M. le Duc était partagé entre la jalousie que lui causait l’élévation d’un beau-frère à qui l’on reconnaissait « un mérite si supérieur, » et la

  1. Voyez une conversation du prince de Conti rapportée dans une lettre de Madame du 4 août 1697, Recueil Jæglé. Correspondance de Madame, I, III.