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envoyé extraordinaire de la République « pour dénoncer à Louis XIV, dans les formes, l’élection du prince, et la résolution de ses électeurs de ne pas attendre plus longtemps, si, d’ici à la fin du mois, ils ne reçoivent justice, c’est-à-dire la personne de leur roy, l’argent promis à la République pour l’armée, et enfin la parole de Votre Majesté qu’Elle ne laissera pas sombrer cette importante affaire. » Polignac, à la suite de cette dernière tentative sur l’esprit de son maître, obtint enfin la remise au 14 septembre de l’ouverture d’une diète nouvelle, dont la réunion n’était que trop nécessitée par la scission. Les palatinats les plus affectionnés à la cause française se disaient décidés cette fois à s’en retirer, « si, d’ici là, ils ne voyaient rien paraître. » Il y avait un roi de trop.

Les têtes s’échauffaient. La mère du prince Jacques se trouvant en mauvais termes avec son fils, compétiteur évincé, se prononçait à son tour pour l’Electeur de Saxe, et, malgré son impopularité, cette reine détrônée était encore une puissance. Elle faisait de la politique allemande. « Je ne crois pas, écrivait-elle à sa sœur, que pas un de mes enfans ne monte sur le trône. On y veut faire monter M. le prince de Conti ; il vaudrait mieux que ce fût notre Électeur[1]… »

Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est de voir le nonce, qui avait ordre du Pape de tenir pour le prince français, lui faire, au contraire, une opposition acharnée, comptant moins sur lui que sur l’Electeur de Saxe pour obtenir le chapeau de cardinal[2].


III

A Versailles ou à l’Isle-Adam, l’opinion était perplexe, quand on y lisait ces courriers de Pologne, si contradictoires, et quelques-uns si peu engageans, en dépit de l’optimisme voulu qu’affectaient les lettres de Polignac. Louis-François de Conti se réservait, ne se livrait pas, malgré l’empressement des courtisans à le pousser vers cette fortune incertaine qui lui souriait de

  1. La reine de Pologne à la marquise de Béthune (25 septembre 1696). A. E. Pologne, vol. 93, f° 56.
  2. Curiosités historiques, I. 313-315. Faucher, Histoire du cardinal de Polignac, I. 336-346. Comte de Basford, Négociations du même, 173-178. Gazette d’Amsterdam, n° LXXXIV et XCVI, 1er août 1697, Nouvelles de Varsovie. Marius Topin. L’Europe et les Bourbons, p. 112.