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République, et l’autre quart, par pur désespoir, a éleu un prince qu’on ne pouvoit prévoir, et qui peut opprimer la religion et la liberté. Votre Majesté jugera aisément que ce n’est pas sans peine que nous en sommes venus jusque-là… » Et cette dépêche embarrassée, déchirant enfin les voiles, se poursuivait ainsi : « Il nous sera impossible d’empêcher le couronnement de M. de Saxe, qui est aux portes du royaume, si nous n’avons de l’argent pour faire confédérer l’armée sous quelques-uns de ses chefs, puisque les généraux sont contre nous… » « Tous nos seigneurs nous demandent où est M. le prince de Conti, parce qu’ils le croient dans le royaume et qu’ils veulent aller au-devant de lui. Nous les envoyons à Copenhague[1]. »

Ainsi, malgré la scission inattendue, les deux négociateurs français ne perdaient pas l’espoir. « Si le roi arrivait avant trois semaines, son couronnement serait immanquable ! »

Alors commença le calvaire de l’abbé de Polignac, pris entre deux feux, empêtré dans un réseau de difficultés et de contradictions inexplicables, si ce n’est par son trop de hâte et de présomption. Il multiplie, sans rien obtenir, ses lettres pressantes, tantôt au Roi, tantôt à son ministre des Affaires étrangères, le comte de Torcy, tantôt au prince de Conti lui-même, suppliant, répétant à satiété, dans son insistante correspondance trop souvent restée sans réponse : « De l’argent ! Des subsides ! Que le prince vienne prendre possession de son trône ! » Il recourt à tous les subterfuges, même au mensonge, pour faire patienter en Pologne. Il envoie l’abbé de Châteauneuf à Dantzig, sous prétexte d’y chercher des fonds à distribuer à l’armée et aux électeurs, sachant bien que ces fonds sont imaginaires.

Pendant ce temps, les partisans de l’Electeur de Saxe lui font signer les pacta conventa, sorte de contrat qui lie l’Électeur à la Pologne[2]. Cela ne se fait pas sans opposition. L’homme de loi qui a dressé l’acte manque d’être écharpé dans une assemblée de contistes. Il ne doit son salut qu’à l’intervention du cardinal primat[3]. Il restait encore de chauds partisans à Conti. Le prince Radziwil, à la tête de son palatinat, appuyait sa cause avec énergie. Des séditieux le menacent de mort. Il

  1. Polignac au Roi, 29 juin 1697. Polignac à Torcy, 1er juillet. A. E.
  2. Le 21 juillet 1697.
  3. Gazette d’Amsterdam, 15 juillet 1697. Gazette de France, n° 38, p. 447, Bibliothèque nationale, ImG 4285. Dangeau, VI, 183-184.