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le trouva bon, et n’eut point à s’en repentir. » Le vrai, c’est que l’horizon conjugal fut bien vite assombri par la présence de l’astre nouveau qui brillait à Chantilly, dans la personne de la fille naturelle du Roi. Nous renverrons au mémorialiste pour le séduisant portrait qu’il fait de cette « figure formée des plus tendres amours, et de cet esprit fait pour se jouer d’eux, à son gré, sans en être dominé. » « On ne pouvait, selon Mme de Caylus, en apparence être moins fait pour l’amour que M. le Duc, bien que lui aussi se donnât volontiers pour un héros de roman. » Quel contraste avec la personne de François-Louis de Conti ! Un délicieux prince ! « Jusqu’aux défauts de son corps et de son esprit avaient des grâces infinies. » Les comparaisons de ce genre sont toujours dangereuses.

Déjà lasse de son époux, la duchesse de Bourbon ne tarda pas à s’éprendre du beau séducteur. Conti ne fut pas son seul amant, d’ailleurs. M. de Marsan lui faisait concurrence, en attendant le marquis de Lassay. Ce que préférait cependant ce petit cœur de seize ans, s’il était capable d’aimer, chose assez douteuse chez une coquette, c’était, assurent les contemporains, son beau cousin Conti. A force de s’entendre dire qu’il ne fallait pas regarder Mme la Duchesse, le prince, qui n’avait eu jusqu’alors que des amours de papillon, ancra pour toujours dans sa pensée l’éblouissante image de la fille de Mme de Montespan. Il l’emporta en campagne, où elle l’encouragea à conquérir des lauriers dignes d’être déposés ensuite à ses pieds, tout en lui suscitant, car il n’y a pas de roses sans épines, la jalousie croissante de M. le Duc.

Donc, sans entrer dans des détails étrangers à notre sujet, François-Louis se couvre de gloire sous le maréchal de Luxembourg, au siège de Namur, à Steinkerque et à Nerwinde[1]. Maréchal de camp en 1690, à Steinkerque, il rétablit l’aile gauche qui plie. Il a quatre chevaux tués sous lui. A l’assaut, il prend, des mains d’un porte-étendard blessé, le « drapeau colonel » du régiment de Bourbonnais, et, l’élevant au-dessus de sa tête, pour rallier officiers et soldats, s’élance à pied contre l’ennemi, lui enlève ses chevaux de frise et franchit tous les obstacles, sous les balles, suivi de ses gardes qui se font jour

  1. DG. 1206, n° 218, 222, etc. Rapport du 3 août 1693, relation de Pomponne. (Archives de la Guerre.) Récit de Saint-Simon, I, 242, 261, 279. Quincy, Histoire militaire de Louis XIV, II, 537.