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que les frères de Saint-Augustin et la Compagnie du Crucifié, à laquelle elle déclara appartenir, et que cela se fît la nuit, avec la plus grande simplicité. C’était en 1556, en plein Paganisme. Déjà, de la belle Simonetta, un siècle avant, on avait pu dire : « Au moment de mourir, la nymphe se retourna tranquille et confiante vers Dieu. » Pareillement, quand on lit la sténographie des dernières paroles d’un condamné à mort, un certain Boscoli qui avait joué les Brutus, en 1513, sous les Médicis, on voit qu’il n’a plus qu’une pensée : se rapprocher du Christ et maudire les maximes et les exemples du héros païen « qui ne pouvaient être bons puisqu’il n’avait pas la vraie foi. »

Telles étaient ces gens du XVe et du XVIe siècle. Au toucher de la mort, tous leurs déguisemens tombaient, laissaient voir leur âme, et cette âme était chrétienne. Les bonnes sœurs qui, selon l’hypothèse de M. Guido Biagi, écrivirent, sur le marbre où s’appuie Tullia, le nom qui la mêle à la passion de saint Jean-Baptiste, éveillent sur elle des idées plus justes que les poètes qui l’appelaient Tyrrhenia ou Thalie. Jouer un rôle dans un mystère chrétien, fût-ce le rôle du traître, c’est encore approcher des saints, se couvrir d’un pan de leur majesté, travailler au triomphe de la foi. Tout le monde ne peut pas être saint Jean-Baptiste : c’est déjà bien beau d’être Salomé. Une fois la représentation finie, diables, traîtres, larrons, bourreaux, courtisanes, rentrent dans leur vraie peau, qui est celle de chrétiens crédules et craintifs ; il suffit qu’ils échappent aux indignations des spectateurs, à la sortie du spectacle, — et tout le monde s’en va au Paradis.


V. — AUX UFFIZI. — ÉLÉONORR DE TOLÈDE[1]


Cette Eléonore de Tolède qu’implorait Tullia d’Aragon, au péril du voile jaune, quelle sorte de femme était-ce ? Quand on visite la salle dite du Baroccio, aux Uffizi, on trouve son

  1. Portraits d’Éléonore de Tolède, épouse de Cosme I duc de Florence.
    Portraits authentiques, par Angelo Bronzino, à l’huile : 1° Eléonore à trente-quatre ans environ, avec cette inscription sur le fond du tableau : Eleonora Tolela. Cos. Med. Flor. D. II. Uxor., peint vers 1553, aux Uffizi, salle du Baroccio.
    2° Au Palazzo Vecchio, dans une des lunettes de l’antichambre du Tesoretto, vers l’âge de 18 ans.
    3* Au Musée de Berlin ; portrait buste et main.
    4° Aux Uffizi ; portrait en buste, attribué au Bronzino.