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« Une forme a été conçue ab æterno dans l’esprit de Dieu, et c’est à la ressemblance de cette forme que la nature vous a faite le jour où elle a voulu


Montrer ici-bas tout ce qu’elle peut au ciel… »


Après cela, quoi d’étonnant, si tant de gens se sont portés garans de sa vertu ? Ils étaient six gentilshommes, à Rome, qui s’étaient engagés à pourfendre quiconque en douterait. Voici en quels termes :

« Les seigneurs soussignés tiennent que, seule, la vertu confère l’immortalité à toute âme généreuse par le moyen de la renommée immortelle qui la sauve de l’oubli, ce que le souvenir flottant et incertain des hommes n’est pas capable de faire ; et ils tiennent qu’elle doit être justement aimée, respectée et exaltée au plus haut point du pouvoir humain, et cela surtout lorsqu’on la trouve dans un être doué de toutes les grâces et de tous les dons de la fortune ou de la nature. Par conséquent, les soussignés étant de vrais amateurs et champions de cette vertu que tout noble cœur, pour l’amour de la vérité, doit toujours s’efforcer de protéger, en la mettant en lumière et la faisant briller de toute la splendeur du soleil partout où on l’aperçoit cachée et dissimulée, — et n’étant mus par aucune autre passion ou motif, ils se proposent, tout en respectant les honorables lois de la discipline militaire, devant le monde tout entier, en vue de soutenir vaillamment, un jour donné, que leur dame et maîtresse, l’illustre dame Tullia d’Aragon, est, en raison de ses vertus infinies, la plus digne femme de toutes les femmes du passé, du présent et de l’avenir.

« Et afin que quiconque qui serait jaloux de sa gloire immortelle et parlerait d’elle ou penserait d’une façon différente de ce qui est dû, puisse promptement se manifester, les soussignés se déclarent prêts à soutenir sa cause selon les règles des tournois des anciens glorieux chevaliers. Et, ainsi, même s’ils n’étaient pas déjà suffisamment évidens et clairs, les inestimables mérites de la susdite dame seront divulgués comme ils le méritent, et, par le même moyen, le courage et la valeur de ses servans deviendront plus fameux et plus indiscutables. Ainsi, tout le monde sera obligé de confesser que, de même qu’il n’y a pas de chevaliers supérieurs en puissance aux soussignés, de même aucune dame semblable ni égale à la dame susdite n’existe,