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préservée de ses propres folies la démocratie déchaînée, et conçut-il alors l’idée de recourir aux exemples et aux leçons du prodigieux « professeur d’énergie » que fut Napoléon ? Sans nier l’une ou l’autre hypothèse, j’en propose une troisième, d’ordre sentimental, qui peut se concilier avec les deux premières. Napoléon et Alexandre, qui débute radieusement en pleine apothéose, se termine mélancoliquement à la suite du désastre ; les dernières pages évoquent la vision de ces scènes qui, à un siècle de distance, oppressent encore tout cœur français d’une indicible angoisse. Ne pourrait-on pas supposer qu’après cette sombre fin d’ouvrage, Vandal eût senti le besoin de reposer ses yeux sur un plus consolant tableau ? Après avoir conté les préliminaires de la chute, n’éprouverait-il pas une douceur à représenter l’ascension ? Il est de fait que, dans l’étude nouvelle, les faits se déroulent à nos yeux dans une progression merveilleuse. Le chapitre initial, c’est l’anarchie à l’intérieur, hors des frontières le recul de nos armes ; le chapitre final, c’est la nation refaite et réorganisée, c’est le clairon sonore et triomphant de Marengo. L’âme d’artiste, l’âme de patriote, qui fut celle de Vandal, était faite pour goûter l’émotion d’un si grand et magnifique spectacle. Dans les pages où il décrit la rentrée à Paris du héros victorieux, court comme un frémissement d’allégresse.


La fin du Directoire, le coup d’Etat de Brumaire, l’établissement du Consulat, après tant de récits, tant de mémoires, dont certains sont fameux, ce sont des événemens dont on aurait pu croire l’intérêt épuisé. Dès le premier volume de l’Avènement de Bonaparte, on découvrit avec surprise que l’on avait tout à apprendre et qu’on était en présence d’une histoire nouvelle. Tant de légendes accréditées, tant de rengaines déclamatoires, la liberté soi-disant étranglée, la légalité violée, le pouvoir pris d’assaut par des « prétoriens » révoltés, la France se ruant vers le « régime du sabre, » tout cela était faux, travesti ou dénaturé. D’irréfutables argumens établissaient l’absurdité de toutes ces « solennelles niaiseries. » Brumaire, acte liberticide ? Et comment eût-ce été possible, puisque depuis longtemps la liberté n’existait plus, puisque la nation, au contraire, opprimée sous le joug de politiciens affamés et de jouisseurs abjects, aspirait à la délivrance, et que la célèbre apostrophe : Qu’avez-vous fait