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ALBERT VANDAL

N’arrive-t-il point parfois à ceux qui font métier d’écrire qu’en traçant le portrait d’un personnage, soit réel, soit fictif, ils lui prêtent, sans s’en rendre compte, des traits qui s’appliqueraient plus exactement à eux-mêmes, et qu’ils se dépeignent ainsi sous un nom supposé ? On peut se demander si quelque réminiscence de ce genre ne fut point le fait de Vandal, lorsqu’il décrivit en ces termes, dans son éloge académique de Léon Say, la jeunesse de celui dont il occupait le fauteuil : « En compagnie de jeunes gens de son âge, et de situation égale, il allait au plaisir et au mouvement ; le monde, le bal, les sociétés diverses, la littérature et l’art, les affaires, l’amusaient tour à tour et le captivaient. On le rencontrait dans nos théâtres, dans nos musées, dans nos promenades, sur nos boulevards, sensible aux aspects divers de l’activité humaine et sensible à la beauté des choses, amoureux de Paris, de la ville sans pareille qui mêle tant de grâce à sa grandeur. Puis, au lendemain de cette vie qui se dispersait sur mille objets et semblait n’en cueillir que la fleur, une série d’articles signés de lui fut presque une révélation. » De ces touches délicates, il n’en est pas une, semble-t-il, que ne doive fixer sur la toile quiconque prétend peindre Vandal. Et l’on pourrait encore y ajouter ce que, quelques lignes plus loin, il dit de son prédécesseur : « Les amitiés qui lui vinrent à cette première heure sont restées celles de la dernière ; elles ont fait côte à côte avec lui la traversée de la vie. »

Tel j’ai connu Albert Vandal au temps lointain de notre commune jeunesse, et tel il demeura, avec une nuance de gravité et de désenchantement en plus, lorsque plus tard la gloire