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la grève à telles ou à telles catégories de travailleurs, aux fonctionnaires par exemple et aux cheminots ; on n’aura rien fait de sérieux, si ces lois n’ont pas plus de sanctions que celles qui précèdent, et nous reconnaissons que le problème qui consiste à leur en attribuer d’effectives est difficile à résoudre. Si on donne aux syndicats le droit d’acquérir et de posséder, on leur donnera le frein moral qui se dégage naturellement de la propriété, et aussi le frein matériel qui réside en elle, parce qu’elle est saisissable. En attendant, il n’y a pas d’autre sanction à l’interdiction de la grève faite à certains travailleurs que la possibilité de les atteindre dans leur retraite : rien de plus dur assurément, mais nous sommes en présence d’un péril de mort pour notre pays, et aux grands maux il faut les grands remèdes. Si M. Briand connaît d’autres moyens de parer aux dangers qu’il a présentés à la Chambre sous des couleurs si sombres, nous attendons qu’il les dise. Pour le moment, il ne l’a pas fait, et son discours est resté à cet égard sans conclusion ; il s’est borné à annoncer comme prochaine cette conclusion que le pays ne saurait en effet attendre longtemps.

C’est ici que se place la phrase un peu sibylline de son discours que nous avons citée au début de notre chronique. Tous les ministres acceptent la responsabilité de ce qu’ils ont fait en commun et nous les en félicitons ; mais M. Briand n’a pas cru pouvoir les engager dès aujourd’hui sur les solutions futures : ils n’en ont pas encore délibéré, leur liberté reste entière. Soit ; mais nous le répétons, il faut se hâter. M. le président du Conseil repousse d’avance, sans les connaître, les solutions qui pourraient être présentées en séance ; il veut avoir le temps de les examiner, de les étudier, de choisir entre elles, d’exercer sa propre initiative et celle du gouvernement. Il a sans doute raison, et il faut lui accorder confiance sous la forme qu’il demande. La Chambre aurait tort de la lui marchander : il a prononcé des paroles qui l’engagent et qui annoncent des actes.


Les pourparlers poursuivis avec le gouvernement ottoman, au sujet de l’emprunt de 150 millions qu’il voulait faire à Paris, ont définitivement échoué, ce qui est regrettable sans doute, mais la faute n’en revient pas au gouvernement de la République. Cette affaire, nous l’avons déjà dit, a été dès le début mal conduite et elle a conservé jusqu’à la fin le caractère d’incohérence que Djavid bey lui avait donné. Djavid a changé plusieurs fois d’avis au cours des négociations, retirant ce qu’il avait proposé lui-même et désavouant