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négociations entre les Compagnies et le personnel des Chemins de fer et s’il comptait répondre autrement que par la voie de la presse à la lettre qu’il avait reçue du Comité de la grève. » Rien n’était plus intempestif que cette démarche ; mais M. le président du Conseil a su en tirer parti pour faire connaître ses intentions désormais fixées. Il a déclaré qu’il ne répondrait pas au Comité, et que le gouvernement ayant militarisé les chemins de fer, — ce qui excluait toute idée de grève possible, — il serait, incompréhensible qu’il répondit officiellement, par l’intermédiaire de son chef, à un comité de grève. Ce serait, disait-il, la consécration d’une situation qu’il ne pouvait reconnaître sans se mettre en contradiction avec lui-même : le gouvernement ne pouvait pas converser avec des hommes en état d’arrestation ou sous le coup de poursuites judiciaires pour des faits qui avaient un caractère criminel. Les députés de la Seine ont dû se retirer, emportant leur rameau d’olivier. Quant au groupe parlementaire ci-dessus dénommé, M. le président du Conseil lui a fait par écrit une réponse qui n’a pas été moins nette. Qu’est-ce d’ailleurs que ce groupe ? Peu de chose, quoiqu’il soit très nombreux, ou précisément parce qu’il est très nombreux. Y entre qui veut, et comme personne ne saurait se refuser, en principe, de prendre intérêt aux cheminots, la moitié de la Chambre en fait partie ; mais il était réduit à une trentaine de ses membres lorsqu’il a résolu, lui aussi, des entremettre auprès du gouvernement pour lui conseiller la conciliation. « Le gouvernement, lisons-nous dans la réponse de M. Briand, n’a nullement l’intention de solidariser la masse des travailleurs avec les auteurs de faits criminels qui ont précédé, accompagné ou suivi la déclaration de grève : il demeure prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer leur sort. » Et il ajoute : « Je reste, conformément à ma promesse, disposé à recevoir des organisations légales des travailleurs des chemins de fer leurs revendications précises et détaillées pour les communiquer aux Compagnies, mais à la condition que ces organisations cessent d’être en révolte contre la loi militaire et que leurs communications ne soient pas transmises sous la signature d’agens faisant partie du Comité de grève révoqués pour refus ide service depuis que la décision d’appel a paru, et par suite exposés à être arrêtés par ordre de l’autorité militaire à la porte démon cabinet dans le moment même où ils se présenteraient pour s’entretenir avec moi. » Le ton de cette réponse a soulagé la conscience publique.

La distinction faite par M. le président du Conseil entre la majorité des cheminots et les meneurs révolutionnaires dont il n’entendait pas