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plus tenir aucun compte des possibilités de la vie réelle. C’est un défaut dans une comédie d’observation. Voilà donc la toute récente marquise de Montclars dans le rôle de femme en vue, adulée, courtisée, et même serrée de près par Pierre Vareine, l’ami du mari. Nous disons bien : c’est un « rôle » qu’elle joue. Nous le devinons tout de suite ; nous lui en faisons compliment ; nous lui reprochons seulement de le jouer en comédienne de trop d’expérience. Elle aime son mari. Donc, pour le conquérir, elle a recours à ce moyen, un moyen classique, un moyen de répertoire : la coquetterie. Ce moyen est en train de réussir. Ahuri par la transformation de sa femme, excité par la vue de ce qu’elle montre à tous, grisé par ce parfum de galanterie qui flotte autour d’elle, ce mari dont la tête est faible et la chair est prompte, se jette avec des yeux de convoitise sur cette femme dont la loi a fait sa femme… Fernande trouve le mot de la situation : « Vous agissez comme une brute. »

Au troisième acte, — quelques semaines après, le soir, — nous voyons que Roger, repoussé une première fois par un geste de dégoût de Fernande, s’est épris sérieusement d’elle. Parallèlement, Pierre Vareine devient auprès de celle-ci de plus en plus pressant. Nous savons bien que la marquise aime toujours Roger et n’aime que lui, qu’en entendant des mots d’amour, elle les imagine dits par lui ; tout de même, ces mots dits par un autre, elle les entend, elle les écoute ; la griserie monte : elle joue un jeu dangereux. Nous sommes inquiets, et nous trouvons que Roger ne l’est pas assez, qu’il a eu tort d’aller ce soir chez sa maîtresse… Un coup de téléphone. C’est Pierre Vareine, plus amoureux que jamais. Signalons, au passage, cette curieuse nouveauté théâtrale : la conversation coupable par téléphone. Le moyen n’est pas de tout repos : Roger surprend sa femme à l’appareil. Accès de jalousie furieuse. Vous devinez tout ce que la fureur et la jalousie peuvent mettre d’outrages dans cette bouche : « Hypocrite ! menteuse ! etc. Je vous hais. » Fernande ne se connaît plus de joie. Elle appelle son oncle. Elle lui jette ce cri d’allégresse : « Mon mari vient de me dire qu’il m’aimait ! »

Désormais nous n’avons plus aucun doute sur l’heureuse tournure que vont prendre les événemens. Il y aura encore quelques tiraillemens, comme il se produit dans les fins de grève quelques sabotages attardés. Roger cherchera à savoir s’il a eu ou s’il n’a pas eu un sort, — qu’il n’aurait pas volé ! Il fera mine de partir. Fernande sera près de se jeter dans ses bras, d’avouer qu’elle a joué la comédie. Mais la sagesse parlera par la voix du vieil oncle. Ce bon vieillard conseille à