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telles que les actes et les écrits intimes, les lettres, les paroles nous les ont révélées, telles aussi qu’elles se révèlent en dépit d’elles-mêmes, en dépit parfois de leur peintre, dans les gestes et les yeux : malgré les différences de vie, d’éducation, de théories générales, peut-être que les traits les plus séduisans et aussi les plus désagréables et les plus inattendus de ce qu’on appelle aujourd’hui le « féminisme, » par exemple, ne sont pas plus nouveaux chez nos contemporaines que le dessin de leur bouche ou de leur nez. Et ainsi verrons-nous que ni les coiffeurs ni les philosophes n’ont jamais rien pu sur les traits constitutifs, sur le vrai visage de l’humanité.

En tout cas, nous aurons la joie de contempler, dans la demi-teinte des fresques, les fines et mystérieuses destinées des plus belles femmes qui passèrent, voici quelque quatre cents ans, sur les bords de l’Arno. Nous aurons l’illusion de vivre un peu plus, parce que nous vivrons avec d’autres, la vanité de découvrir des mœurs qui nous paraîtront préférables parce qu’elles sont lointaines et aussi, quand nous rencontrerons, en plein xv° siècle, les traits mêmes de nos contemporaines, la surprise de n’être pas surpris.


I. — AU LOUVRE. — GIOVANNA TORNABUONI[1]

Il en est deux, parmi nous, que tout le monde a vues ou peut voir et le hasard fait que ce sont les figures des deux femmes les plus séduisantes de leur temps, deux

  1. Portraits de Giovanna degli Albizzi, épouse de Lorenzo de’ Tornabuoni. Authentiques : les deux médailles de bronze de Niccolo Florentino, au Bargello, l’une, n° 106, portant en exergue ces mots Ioanna Albiza uxor Laurentii de Tornabonis, — et au revers les trois Grâces avec ces mots : Castitas — Pulchritudo — Amor ; l’autre, n° 107, semblable, quant à la face et portant au revers une Diane chasseresse avec ces mots : Virginis os habitumque gerens et virginis arma. Portraits présumés avec ressemblance : 1° la figure de femme de profil gauche, sur bois, dite Giovanna degli Albizzi par Ghirlandajo, autrefois au palais Pandolfini à Florence, aujourd’hui à la collection Pierpont-Morgan ; 2° la figure en pied, de profil gauche, en grande toilette du XVe siècle, à la suite de sainte Elisabeth, « dans la Visitation, fresque du chœur de Santa Maria Novella, par Ghirlandajo ; 3° le buste de terre cuite intitulé Giovanna Tornabuoni et attribué à l’école de Léonard, collection Gustave Dreyfus. Portrait présumé, selon toute vraisemblance, mais sans ressemblance avec les précédens : la figure de femme seule en face d’un groupe de femmes et leur tendant un mouchoir, de la fresque de la villa Lemmi, par Botticelli, aujourd’hui au Louvre, escalier Daru. Portrait présumé : la Vierge du bas-relief de marbre, la Vierge et l’enfant de Verrocchio, autrefois à l’hôpital Santa Maria Nuova, aujourd’hui au Bargello, à Florence.