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l’épiscopat ; ce vote même, et l’avenir qu’il laissait présager, mettaient les bureaux de Falk en un cruel embarras.

Certains canonistes vieux-catholiques prodiguaient des leçons de tactique. Ils prévoyaient qu’après la déposition d’un évêque par l’État, Rome pourrait frapper le diocèse d’interdit ; d’avance ils dictaient les moyens de riposte. Les fidèles feraient du bruit : on mobiliserait l’armée. Les prêtres, tenant compte de l’interdit, refuseraient de faire leur besogne : on leur supprimerait tous leurs revenus, et puis on les expulserait de l’école primaire. On inviterait les patrons ou les fidèles à pourvoir eux-mêmes les cures vacantes ; et l’on s’adresserait à l’évêque Reinkens pour donner aux prêtres ainsi nommés les pouvoirs nécessaires. Ainsi « l’homme du commun pourrait toujours aller à l’église, se confesser, » et peu lui importerait dès lors ce qui se passerait à Cologne ou bien à Paderborn, et que les évêques de ces deux villes fussent assis encore sur leurs sièges ou qu’ils en fussent renversés. Pas de mesures d’expulsion ou d’internement contre les évêques, comme déjà certains législateurs y songeaient ; on n’avait qu’à briser leur crosse ; ils ne compteraient plus, une fois déchus, et les morceaux n’en pèseraient pas lourd. Le ton d’assurance avec lequel se déroulait ce programme semblait défier toute critique. Si ces prélats révoqués filaient à l’étranger pour continuer leurs complots, on mettrait des policiers à leurs trousses pour les surveiller ; et s’ils restaient au milieu de leur troupeau, il suffirait de renvoyer à l’expéditeur toute lettre qui leur serait adressée et qui les mentionnerait comme évêques, d’empêcher qu’eux-mêmes ne scellassent d’un cachet épiscopal les messages qu’ils enverraient, de s’opposer à toute publication de mandement : les notables du vieux-catholicisme fondaient de grands espoirs, dans la lutte contre les évêques, sur le zèle averti des postiers.

Il était facile, dans un cabinet de canoniste, d’élaborer ces résolutions excitées. Le métier de conseillère est une besogne où volontiers la haine s’acharne : elle est prolixe en ses avis, ingénieuse en ses artifices ; elle se construit, à l’avance, certains plans de victoire ; et l’on dirait qu’elle les suspend dans l’espace, perdant de vue le terrain des réalités. Falk, qui voyait les hommes de plus près et avec une responsabilité plus immédiate, commençait de prévoir qu’à la longue on ne pourrait pas éviter la sécularisation complète des biens d’Eglise et l’inauguration d’un