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vides ; c’est une grande souveraine, elle protesterait contre cet exil ou cette mise en disponibilité des jeunes clercs à qui la vie faisait crédit et que les fidèles réclamaient.

Le jeu des lois de Mai, dans ces diocèses mêmes qui exilaient leur jeunesse cléricale, suscitait fatalement d’autres difficultés. D’un bout à l’autre de la Prusse, le décès d’un curé devait avoir pour résultat un conflit entre l’évêque et l’État. Il y avait là une répercussion inévitable, que rien ne pouvait conjurer. De deux choses l’une, en effet : ou bien l’évêque, tout de suite, nommerait un curé nouveau, et cette nomination serait illégale parce que la collation des postes d’Eglise était désormais soumise à l’assentiment du président supérieur de la province, et parce que la hiérarchie se dérobait à cette exigence, qu’un concordat seul aurait pu légitimer. Ou bien l’évêque laisserait le poste vacant ; et au bout d’un an, ne pouvant, puisque la loi était pour lui lettre morte, réclamer du président supérieur la permission de prolonger le veuvage de cette paroisse, il tomberait sous le coup de l’article qui l’obligeait, sous des peines graves, à ne pas laisser une cure sans titulaire pendant plus de douze mois. Ainsi, chaque fois que s’achevait pour un curé la route du cimetière, s’ouvrait déjà devant son évêque et devant le curé du lendemain, et sans qu’ils eussent aucun moyen d’obliquer ou de se dérober, le chemin du tribunal correctionnel.

Le cas était pire encore, pour l’archevêque de Cologne et les évêques de Munster et de Trêves. Il y avait dans leurs diocèses un certain nombre de paroisses, toujours régies par le droit ecclésiastique français, et dont les curés étaient de simples desservans, susceptibles d’être déplacés ou révoqués ; si la loi devait être strictement appliquée, il suffirait de compter ces paroisses pour savoir de combien de délits, au bout d’un an, se serait enrichi le casier judiciaire de ces évêques, car la législation prétendait que dans ce délai toutes les cures fussent pourvues de pasteurs inamovibles, et passivement les évêques s’y refuseraient.

Enfin, de par l’ordre de leur évêque, les curés une fois condamnés poursuivraient dans les villages qui leur étaient confiés leur besogne apostolique et délictueuse, mais chaque fonction sacerdotale remplie par eux les exposerait à des procès nouveaux ; ni les gendarmes ne se lasseraient de verbaliser, ni les juges de condamner, ni le prêtre de dire la messe, la messe