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profondément, dans le peuple, la concorde confessionnelle. Nous ne voulons pas que des lois existantes soient contestées et méprisées. » Ainsi leur lettre à Guillaume se terminait-elle par une adhésion aux lois de Mai ; ils admettaient expressément que le gouvernement n’était hostile ni aux catholiques, ni à la papauté, et que c’était le droit de l’État de régler les frontières entre les deux pouvoirs. Guillaume en personne leur répondait, le 22 juin ; il les félicitait d’aspirer à une entente pacifique sur le terrain des lois ; il les remerciait de fortifier ainsi la confiance qu’il avait dans l’attachement des catholiques.

Les signataires affectaient d’admettre tous les dogmes de l’Eglise ; ils ne se rebellaient pas contre l’infaillibilité ; mais c’est par leur attitude à l’endroit de la législation de l’Etat qu’ils prétendaient se distinguer des « ultramontains, » et s’opposer à eux. Ce qu’ils définissaient dans leur adresse, ce que l’Empereur approuvait et estampillait, c’était une façon légale d’être catholique. L’aventure était peu flatteuse pour le vieux-catholicisme. Si médiocre était la diffusion de cette petite Eglise, si mesquines en étaient les chances de succès, que l’Etat prussien, tout en lui continuant ses faveurs, cherchait contre l’« ultramontanisme » d’autres auxiliaires, plus influens et plus écoutés. On les appela tout de suite les catholiques d’État (Staatskalholisch) ; ils avaient la prétention d’épargner à l’Eglise les tracasseries imminentes, mais c’était à la condition qu’elle acceptât pleinement les réglementations souverainement édictées par le Landtag. Ils lui demandaient de capituler devant les préfets et se chargeaient ensuite de désarmer les gendarmes.

Bismarck se réjouissait, il était plein d’espoir. Dans la Silésie d’où partait ce mouvement, plus de quatre cents bénéfices ecclésiastiques étaient pourvus par des patrons ; et chacun de ces catholiques d’Etat, qui prosternaient devant le Roi et devant la loi leur docilité de fidèles, espérait bien faire s’agenouiller à leur tour, devant ces deux augustes pouvoirs, les curés qui relevaient de lui. De puissantes influences de caste s’agitaient : l’adresse courait dans le peuple en quête de signatures, qu’on réclamait au nom du seigneur, qu’on réclamait au nom du Roi. La Correspondance provinciale insistait pour que, d’un bout à l’autre de la Prusse, se multipliassent les adhésions. On en recueillit six à sept mille, et ce fut tout. La presse du Centre veillait ; elle signifiait à ses lecteurs qu’en acceptant des lois qui