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avec les travailleurs la main dans la main, mais qu’heureusement dans cette noblesse il restait encore des hommes n’ayant rien de commun avec de tels ultramontains. Schorlemer devant le congrès s’emparait de ce méprisant propos : « Je regrette, ripostait-il, que parmi la noblesse catholique il reste encore des hommes qui ne veulent rien faire en ce sens. Ce dont on nous fait un grief, je l’accepte comme un hommage. Nous voulons aller avec les travailleurs la main dans la main, pour leur relèvement religieux, moral, matériel. » Ainsi souriaient aux intérêts populaires les défenseurs attitrés des intérêts religieux : et le même principe de justice au nom duquel on invoquait toutes les libertés confessionnelles dominait et suscitait toutes les revendications économiques. Le Congrès catholique de Breslau, de 1872, avait continué l’œuvre en recommandant d’élire des députés dévoués à la défense des travailleurs et d’organiser des institutions contre la misère et le chômage.

Les divisions entre les lassaliens et le parti ouvrier social-démocrate, les dissensions entre Liebknecht et M. Bebel au sujet de l’activité parlementaire des socialistes, laissaient espérer aux nationaux-libéraux l’apaisement des exigences tumultueuses ; mais lors même que ce recul apparent des partis révolutionnaires aurait été durable, d’autres tribuns s’offraient à la foule, pour empêcher le silence de certaines détresses et l’abdication passive de certains droits lésés.

Ces tribuns étaient les catholiques et parlaient au nom de leur foi. Du haut de cette cime, ils distinguaient entre les articles du programme socialiste, ils en retenaient certains, en répudiaient d’autres ; et lorsque les nationaux-libéraux dénonçaient je ne sais quel frôlement entre la robe épiscopale d’un Ketteler et le bourgeron des « rouges, » Ketteler les faisait taire en leur criant : Ces hommes dont vous avez peur, ce sont vos fils intellectuels ; et cette philosophie matérialiste dans laquelle ils encadrent certaines idées tantôt légitimes, tantôt discutables, elle est commune avec la vôtre, elle est votre héritage.

Dans les grandes agglomérations industrielles de la vallée rhénane, les ouvriers catholiques prenaient une attitude bien personnelle, entre la bourgeoisie nationale-libérale à laquelle généralement appartenaient leurs patrons, et le jeune parti socialiste qui lentement conquérait leurs camarades protestans ; et l’originalité même de cette attitude se reflétait dans leur