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en silence, avec simplicité et dignité, le poids des soupçons et des attaques que soulevait contre l’Eglise un vote conciliaire émis en leur absence et malgré leurs objections. Hostiles naguère à la définition, ou tout au moins à son opportunité, la destinée les contraindrait de glorifier par leurs souffrances, dans l’obscurité des prisons, cet article de foi que d’autres évêques en 1870 avaient glorifié par leur initiative, au grand jour du concile. Ils accueilleraient comme une sorte de grâce cette façon tardive et douloureuse d’être, eux aussi, les témoins du dogme, et de racheter ainsi ce qui tout d’abord avait pu manquer à la spontanéité de leur Amen. Alors se dérouleraient des luttes acharnées au cours desquelles, plutôt que de cesser d’être évêques, ils laisseraient l’État les faire déchoir du nom et de la dignité d’Allemands. Ces mêmes prélats qui, pour leur tiédeur et leur réserve, avaient parfois encouru en 1870 les sévérités des autres Pères du concile, deviendraient aux yeux du monde les confesseurs du dogme nouvellement défini.

Il en est pour l’édifice dogmatique comme pour l’architecture d’une cathédrale : les pierres neuves qui l’affermissent ou l’embellissent ont besoin d’une patine. Des hommes jadis avaient souffert pour les divers articles du Credo ; il convenait que, pour ce dernier article, des hommes souffrissent ; c’était là la patine dont cette pierre toute neuve avait besoin. A travers l’histoire, la possession de tous les autres dogmes avait été assurée et comme achevée par des martyres humains. Le dogme de 1870 n’échapperait pas complètement à la loi commune. Des reflets d’auréole allaient se poser sur les têtes des évêques allemands ; la majorité conciliaire, qui avait critiqué leurs lenteurs, finirait avec une respectueuse envie par admirer leurs élans, et l’on assisterait une fois de plus à l’incompréhensible mystère d’élection qui sans cesse dans l’histoire religieuse vérifie la parole de Jésus, mystère de dureté, mais aussi mystère de douceur, par l’effet duquel les derniers deviennent les premiers.


I

Melchers, archevêque de Cologne, avait, dès le 27 février 1873, consulté le cardinal Antonelli sur l’attitude qui siérait après le vote des projets de loi, projets « iniques et très contraires à l’esprit et aux lois de l’Eglise. »