Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VOLTAIRE

PREMIÈRE PARTIE[1]


INTRODUCTION

Il y a peut-être de plus grands noms dans l’histoire de la littérature française, trois ou quatre, pas davantage ; il y en a certainement de plus honorables et de plus justement honorés ; il n’y en a pas de plus français, qui nous soit une image ou un miroir plus fidèle de nous-mêmes, il n’y en a pas de plus européen, et je dirais volontiers, il n’y en a pas de plus universel que le nom de Voltaire. Poète, c’est une question de savoir si l’auteur de la Henriade et des Discours sur l’Homme, de tant d’Epitres et de tant d’épigrammes, a seulement mérité ce titre, ou plutôt ce n’en est plus une après et depuis Lamartine et Hugo ; auteur dramatique, nous pensons tomber des nues quand nous apprenons que, pendant près d’un siècle, avec sa Zaïre et son Tancrède, il passa pour le rival, pour l’émule, pour le vainqueur de Corneille et de Racine ; historien, c’est de confiance qu’on le loue, sans presque l’avoir jamais lu, ni le Siècle de Louis XIV, ni l’Essai sur les Mœurs, à peine quelques pages de son Charles XII ; philosophe, n’enseigne-t-on pas enfin qu’incapable d’enfoncer jusqu’aux

  1. En 1886, la librairie Hachette imprimait les premiers, volumes de la collection dite des Grands écrivains français. M. Jusserand, qui la dirigeait, confia à Ferdinand Brunetière le soin d’y traiter de Voltaire, Brunetière se mit à ce livre en août 1886. En 1888, il venait d’en envoyer à l’impression les trois premiers chapitres, quand la maison Hachette lui demanda d’écrire d’urgence une préface à une édition illustrée des Œuvres de Boileau, qu’elle préparait pour l’Exposition de 1889. Brunetière interrompit son Voltaire, par la suite, d’autres travaux l’empê-