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L’ŒUVRE DÉCORATIVE
DE
M. ALBERT BESNARD

Il existe pour chaque art une forme supérieure et un type accompli. En peinture, la décoration, la fresque à l’italienne, en raison de ses caractères d’héroïsme et de grandeur, semble être l’art par excellence. C’est elle qui met le plus de noblesse autour de l’homme, qui encadre le plus magnifiquement la vie, et donne enfin à la représentation qu’elle en fait la signification la plus majestueuse. L’Italie a créé en ce sens un absolu, une catégorie de l’idéal. Et de nos jours encore, parmi nos discussions et nos querelles d’écoles, la situation unique d’un Puvis de Chavannes, l’espèce de magistrature qu’il exerça sur l’art, en dépit de certaines insuffisances du peintre, ne tint qu’à son génie spécial et à la force d’exemple avec laquelle il sut formuler les grandes lois de la langue monumentale.

Ce rôle, c’est aujourd’hui M. Albert Besnard qui le continue. Ce n’est pas, sans doute, l’idée qu’on se fait le plus souvent de lui. Il est vrai qu’il diffère beaucoup de Puvis de Chavannes. Il a fait plus de choses ; son bagage, très riche, très compliqué et très divers, est loin d’offrir la même simplicité murale, la même monastique unité. Puvis s’était voué à sa tâche par un pacte quasi religieux ; la fresque était son cloître, et l’on sait qu’il en portait le froc. M. Besnard a des allures infiniment plus libres. Il a fait à la muraille une foule d’infidélités. Il n’est pas l’homme d’une seule œuvre, et nous avons de la peine à