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avec une douleur profonde que M. Thiers relate dans ses Souvenirs l’assassinat de Chaudey, de Mgr Darboy, du président Bonjean, de l’abbé Deguerry et des PP. Ducoudray, Clerc, de Bengy, de M. Allard. « Après l’incendie de Paris, le massacre des otages ! La Commune avait tenu parole. »

Le chef du pouvoir exécutif n’a donc encouru aucun reproche[1]. Il a agi d’accord avec le Conseil des ministres et avec la Commission des Quinze, et tous ceux qui ont pris part à ce terrible drame ont pris la même responsabilité. Comme l’a parfaitement établi M. de Marcère, dans la préface même du livre de M. Gautherot : « Pour bien juger cette cause, il faut se mettre en présence de la situation, telle qu’elle était et qu’elle s’imposait à M. Thiers et à nous. L’Assemblée nationale était souveraine : M. Thiers tenait d’elle son pouvoir. Pouvait-il, étant investi d’une autorité suprême, sous le regard de l’ennemi encore présent à nos portes ; l’Assemblée elle-même pouvait-elle incliner son autorité devant des révoltés apparaissant d’ailleurs sous l’aspect des pires scélérats ? Elle et lui enfin pouvaient-ils traiter avec des rebelles ? Sans aucun doute, cette considération pesa dans les résolutions de M. Thiers et du gouvernement au sujet de la perspective d’un échange entre les otages et la personne de Blanqui. On pouvait d’ailleurs concevoir des doutes sur la sincérité et sur l’exécution des promesses faites dans le principe au sujet de l’échange des prisonniers. L’élément relativement modéré qui dominait dans la Commune, lors de l’arrestation de l’archevêque, avait fait place, dès le premier jour, à l’élément le plus violent, décidé à achever l’œuvre de destruction qui rappelle les écroulemens d’Empires et de Cités dont parle la Bible… Il faudrait, pour juger M. Thiers, se replacer dans les circonstances terribles où se trouvait cet homme d’Etat, chargé de responsabilités si lourdes, faisant face à l’ennemi encore sous nos yeux, tenant tête à la révolte ouverte contre la souveraineté nationale dont il était l’organe et le représentant. Ajoutez qu’à ce moment précis M. Thiers devait être sous l’impression de nouvelles peu

  1. Le cardinal Antonelli, en félicitant le nonce, Mgr Chigi, de s’être associé à ceux qui voulaient sauver les otages, écrivait : « Si le résultat n’a pas été conforme à nos communs désirs, il faut s’en prendre à des circonstances indépendantes de notre volonté ''et à des motifs basés sur un ordre d’idées qu’il faut respecter et qui ont guidé le chef du pouvoir exécutif dans la détermination prise par lui de repousser les propositions des insurgés y avant trait. »