sauver 169 otages qui allaient être fusillés. Mais, hélas ! les scélérats, auxquels nous sommes obligés d’arracher Paris incendié et ensanglanté, avaient eu le temps d’en fusiller 64, parmi lesquels nous avons la douleur d’annoncer que se trouvaient l’archevêque de Paris, l’abbé Deguerry, le meilleur des hommes, le président Bonjean et quantité d’hommes de bien et de mérite. Après avoir égorgé ces jours derniers le généreux Chaudey, cœur plein de bonté, républicain invariable, que pouvaient-ils épargner ? »
Le 2 juin, M. Jules Simon s’associait à ces regrets au nom du gouvernement : « L’insurrection de Paris, disait-il, a commencé par un assassinat et s’est terminée par un massacre. Tout le monde ici, en France et en Europe, a présens à la pensée les détails de l’exécution des otages. Les corps ont été recueillis. On va procéder aux obsèques. Le gouvernement aura à vous proposer des mesures pour que la piété publique se manifeste d’une façon solennelle et pour attester à la fois les regrets de la patrie et l’indignation qui remplit tous les cœurs. »
Il n’entre pas dans le cadre de cet article de donner le récit de l’exécution de la Roquette. Qu’il suffise de rappeler que les victimes périrent avec le plus noble, avec le plus grand courage. Mgr Darboy, tombé le dernier, eut encore la force et la générosité de bénir ses bourreaux. « Ah ! tu me donnes ta bénédiction ? dit l’un d’eux. Tiens ! voici la mienne ! » Et il lui tira un coup de feu en pleine poitrine. C’est le jeune Lolive qui s’en est ensuite vanté ainsi : « Il ne voulait pas mourir. Il s’est relevé par trois fois. Je commençais à avoir peur de lui. Je l’ai achevé. C’est la plus belle action qu’un homme puisse faire dans sa vie ! » Un autre, — c’est M. Henri Rochefort qui rapporte ses paroles : « Darboy a reçu douze balles dans le buffet… » [Suit une ignominie de l’assassin que le dégoût m’empêche de reproduire ici.] Mégy, un des mêmes assassins, s’est vanté d’avoir « liquidé l’affaire, » et Vérig, qui a volé les boucles des souliers du prélat, s’étant piqué à l’un des ardillons, a frappé du pied le visage du martyr en criant : « Le c… ! il nous fait du mal, même après sa mort ! » Tels étaient les propos des compagnons et amis de Raoul Rigault, le meurtrier de Chaudey, qui avait répondu à sa victime le priant d’avoir pitié de sa femme et de ses enfans : « Je m’en f… »