Et ces lignes ont été écrites après la publication du livre de M. Aulard, comme toutes les appréciations sur Taine dont nous avons fait état dans cette étude.
L’essentiel, en histoire comme en toute chose, c’est de faire œuvre utile. Même une compréhension étroite ou incomplète de la tâche à poursuivre peut aboutir à d’appréciables résultats. Mais il faut évidemment viser plus haut. C’est pourquoi les questions de méthode tiennent une si grande place aujourd’hui dans la formation intellectuelle des futurs historiens. L’histoire passe périodiquement par une crise. Chaque génération a plein la bouche de sa « méthode » et professe un superbe dédain pour celle de la génération précédente. Aujourd’hui on se défie des idées générales, des théories, des coups d’œil d’ensemble, de tout ce qu’on rangeait et confondait naguère sous le nom démodé de « philosophie de l’histoire. » On se moque des tableaux brillans, des « résurrections, » des morceaux à effet, de tout ce qui suppose de l’art et du style. Le travail historique se ramène assez volontiers à une besogne mécanique faite en conscience ; le sens historique est subordonné au métier, et le métier lui-même est considéré à peu de chose près comme un ensemble de pratiques, sinon de recettes, où l’habitude joue un plus grand rôle que l’intelligence. Cette conception modeste a d’ailleurs beaucoup d’avantages, y compris celui de permettre aux esprits les plus ordinaires de « faire de l’histoire » sans perdre absolument leur temps. Mais on finit par en abuser. On dirait que les historiens dont la vocation n’est pas de la première heure, comme M. Aulard, agrégé des lettres et ci-devant professeur de rhétorique, ont peur de n’être jamais assez stricts. M. Aulard tient positivement rigueur à Taine de son talent littéraire. On a pu dire à moitié sérieusement qu’il s’applique lui-même par protestation à n’en montrer aucun. Un lettré n’écrit pas sans le faire exprès des phrases invertébrées comme celle-ci sur Taine : « Littérateur, et littérateur classique, lui qui a tant vilipendé l’esprit classique, chez lui l’ordre, le mouvement, l’enchaînement des idées, la structure et les parures sont selon les recettes de la rhétorique scolaire, avec, en plus, la couleur locale des romantiques. » (Taine historien, p. 10.)
La méthode historique n’a d’ailleurs rien de mystérieux. C’est