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congrégations religieuses et des établissemens qui en dépendent ; certaines lois y mettent à la liberté religieuse des entraves qui sont d’un autre âge ; on conçoit que le gouvernement laïque veuille s’y affranchir de certaines servitudes ; mais le but ne peut être atteint que s’il est poursuivi avec autant de prudence que de fermeté. Même sans modifier sa politique, M. Canalejas peut atténuer ce qu’il y a eu parfois d’un peu cassant dans ses allures. Sa situation personnelle continue d’ailleurs d’être bonne. Les manifestations catholiques qui ont eu lieu dans plusieurs villes, le dimanche 2 octobre, n’ont pas eu, dans leur ensemble, la puissance démonstrative qu’on avait annoncée ; les troubles qu’on avait craints ne se sont pas produits ; la tranquillité publique n’a été troublée nulle part. Malgré, tout, ce qui vient de se passer au Portugal ne saurait être considéré comme un symptôme négligeable, et si les rêveries de M. Magalhaës Lima peuvent faire sourire, il y a cependant là des avertissemens dignes d’être pris au sérieux.

La république portugaise n’en sera pas moins reconnue en Espagne comme ailleurs. Les gouvernemens européens sont, eux aussi, positivistes à leur manière ; ils ont renoncé aux prétentions qu’ils avaient autrefois de peser sur la politique intérieure des pays étrangers ; ils respectent leur indépendance et s’inclinent devant les gouvernemens de fait qu’ils se sont donnés. La seule condition qu’ils y mettent est que leurs intérêts et leurs droits soient respectés. Cette condition sera remplie par le gouvernement portugais, il n’y a pas lieu d’en douter : dès lors sa reconnaissance ne saurait se faire attendre longtemps. La France en particulier ne saurait avoir aucune prévention contre la forme républicaine, mais elle ne peut pas agir seule, ni surtout sans s’être mise d’accord avec les pays alliés, amis ou voisins dont elle partage la politique ou dont elle ménage la situation. La République portugaise ne rencontrera pas plus de difficultés en Europe qu’elle n’en a rencontré au Portugal même. Elle est heureuse ; ses débuts lui permettent toutes les espérances ; mais c’est à elle à les réaliser.


Nous avons dit plus haut que le parti radical et radical-socialiste avait tenu un congrès à Rouen : c’est à ce congrès que M. Magalhaës Lima a envoyé un télégramme. Il s’est réuni quelques jours avant la rentrée des Chambres, quelques jours aussi avant le moment où M. le président du Conseil devait prononcer un discours au banquet Mascuraud : son but évident et d’ailleurs parfaitement légitime était de s’emparer le premier des esprits et de leur donner une direction. Nous