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supportés par la bienfaisance, afin que les salaires déjà si maigres des ouvriers leur soient intégralement versés, et ces frais généraux sont élevés. Il faut une mise de fonds importante pour construire l’atelier, en assurer le fonctionnement, parer aux chômages momentanés, surtout pour aménager des logemens salubres et économiques. Mais ce n’est pas tout. La grosse question est celle des débouchés. Il est difficile d’assurer un écoulement régulier des marchandises dans des conditions avantageuses. Et c’est pourquoi il est essentiel d’avoir à la tête de semblables établissemens un homme de la partie, un commerçant habitué aux affaires, et j’ajoute un homme dévoué à l’œuvre qu’il entreprend ou sérieusement intéressé à son succès.

En raison de ces difficultés, les tentatives qui ont été faites en France n’ont en général que très médiocrement réussi. Il existe encore quelques ateliers, mais leur fonctionnement est assez défectueux. Aucun n’a pris un développement sérieux. Cela prouve tout simplement que l’entreprise n’a pas été tentée dans des conditions favorables, et c’est une raison de redoubler d’efforts, nullement de se décourager. Chez nous, c’est, je crois, surtout l’argent qui a fait défaut pour entreprendre une vaste organisation. En Angleterre, où les dons sont venus en abondance, il y a des ateliers très importans qui fonctionnent fort bien. Certainement, l’Association Valentin Haüy, si elle n’avait dû auparavant subvenir à des besoins plus urgens, aurait mené à bien cette entreprise. Elle s’y attachera quelque jour, lorsque ses ressources le lui permettront, si personne ne la prévient. Mais il serait préférable que d’autres sociétés entreprissent cette tâche auprès d’elle et de concert avec elle. Ses rouages se font trop complexes. Il est temps d’introduire la division du travail dans l’unité des vues et des bonnes volontés.

Sans ressources autres qu’un dévouement résolu, un homme de cœur, M. l’abbé Moureau, a réuni à Bordeaux quelques ouvriers brossiers. Peu à peu leur nombre s’est élevé jusqu’à 15, et l’atelier n’a encore qu’une dizaine d’années d’existence. Il a pu vivre et s’est accru sans donations. Les salaires varient de 1 fr. 50 pour les plus malhabiles, à 3 francs par jour. Le directeur a su parer à toutes les difficultés, faire à ses ouvriers des conditions de vie relativement économiques, trouver des débouchés pour tous ses produits.

On a parlé de créer, à la campagne, un nouvel atelier. Je