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plus occupé d’avancer sa fortune, suivant son expression, que de servir pour l’honneur et pour la gloire. Du Guay-Trouin était tout autre. Dans un discours intitulé : « Éloge de René de du Guay-Trouin » qui remporta le prix d’éloquence de l’Académie française en 1761, un littérateur, nommé Thomas, a pu écrire ces paroles sévères sans soulever de contradictions :

« Forbin, né pour être un général de mer, ne fit jamais que des exploits d’armateur ; du Guay-Trouin, né pour être un simple armateur, fit presque toujours des actions d’un grand capitaine. Le premier, en servant l’État, pensait à la récompense ; le second pensait à la gloire… » Forbin retiré définitivement du service en 1710, vécut encore vingt-trois ans dans ses terres, aux environs de Marseille, riche, entouré d’une nombreuse famille. Il mourut le 3 mars 1733. Quant à du Guay-Trouin, il devait en 1711 mettre le comble à sa gloire par la prise de Rio de Janeiro, expédition dont la préparation, la conduite, le succès éclatant, peuvent être cités comme le modèle de toute expédition lointaine combinée entre l’armée de terre et l’armée de mer. Nommé successivement chef d’escadre, lieutenant général, commandeur de Saint-Louis, administrateur de la Compagnie des Indes, à la prospérité de laquelle il contribua plus que tout autre par ses conseils, il mourut pauvre à Paris le 27 septembre 1736, en activité de service, et fut inhumé dans la chapelle de la Vierge, dans l’église Saint-Roch, où il repose encore aujourd’hui, sans aucun doute, bien qu’aucun monument, aucune pierre gravée, ne rappelle son nom glorieux et sans tache.


Comte de Carfort.