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« Si les Anglais avaient été habiles gens, ils auraient mis en déroute toute mon escadre. Du Guay n’avait pas à courir le même risque, ses vaisseaux n’étant pas, à beaucoup près, si inférieurs à ceux qu’il allait attaquer ; au lieu que je n’avais que des frégates de 30 canons. »

Il faut considérer aussi que son escadre était armée aux frais du Roi. S’il avait intérêt évidemment à faire de nouvelles prises, cependant, en n’en faisant pas, il ne risquait rien. Il jouait sur le velours, si l’on peut s’exprimer ainsi ; tandis que du Guay-Trouin, tout au contraire, se ruinait et ruinait ses armateurs, en restant dans l’inaction. Tels sont, sans doute, les motifs secrets peut-être même inconsciens, qui rendirent sa manœuvre incertaine et lente. Il semble enfin qu’il ne comprit pas la mission dont il était chargé, qui était de détruire la flotte marchande destinée au Portugal.

Du Guay-Trouin, lui, n’hésita pas. Il attaqua, parce qu’il s’aperçut qu’en différant plus longtemps, cette flotte aurait disparu à l’horizon. On ne peut donc le blâmer et, ce qui justifie, en dernier ressort, sa glorieuse initiative, en prouvant combien il était temps d’attaquer, c’est que très peu de navires marchands furent pris, une dizaine seulement. Le reste se dispersa, et se réfugia dans tous les ports d’Irlande. Le Royal Oak, tout délabré, relâcha aussi en Irlande.

La Cour et l’opinion publique donnèrent tort à Forbin. Pontchartrain ne l’aimait pas, et cette affaire semble avoir scellé sa destinée. En effet, une place de lieutenant général étant devenue vacante par la mort du marquis de Villette-Mursay, en décembre 1707, c’est en vain que Forbin la fit demander pour lui par son cousin le cardinal de Forbin-Janson, son protecteur à la Cour. Non seulement il ne put l’obtenir, mais pour mieux lui marquer sa défaveur, le ministre fit nommer deux lieutenans généraux, le marquis d’O et du Casse, bien qu’il n’y eût qu’une seule vacance. À la promotion suivante dans l’Ordre de Saint-Louis, Forbin ne put non plus obtenir le cordon de commandeur, qui fut donné au marquis de Langeron. Enfin, en 1709, après l’échec de l’expédition qui devait débarquer Jacques III en Écosse, qu’il commanda assez mollement, dégoûté de ce qu’il appelait les injustices et les duretés de la Cour à son égard, il demanda sa retraite et l’obtint aussitôt. Il avait cinquante-trois ans et quarante ans de services, et se reti-