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par des bâtimens de guerre ; il fit le signal à la flotte marchande de se sauver, pendant que lui-même venait en travers sous petite voilure pour protéger sa fuite.

Rendons ici hommage à la bravoure de ces cinq vaisseaux anglais, qui attendirent de pied ferme l’attaque de 14 bâtimens de guerre français, pour laisser aux bâtimens marchands qu’ils escortaient le temps de s’enfuir. Il est vrai qu’ils durent bien vite s’apercevoir que les Français arrivaient sur eux en deux pelotons séparés par une assez grande distance, et qu’ils purent espérer les détruire séparément.

En effet, du Guay-Trouin, impatienté de voir que Forbin ne se pressait pas d’arriver sur l’ennemi, et craignant de laisser échapper la flotte marchande, prit le parti d’attaquer seul sans plus attendre.

« J’estois pour lors de l’avant de M. le comte de Fourbin (sic, faute d’orthographe peut-être voulue) avec les vaisseaux de mon escadre, » dit-il dans son rapport officiel, écrit de sa main et daté du 31 octobre 1707, « et je l’avois attendu jusque-là avec mes basses voiles carguées et mes deux huniers bas ; mais voiant que la flotte (marchande) s’escartoit insensiblement et estoit même à plus d’une lieue et demye des convois, je connus bien que c’estoit une nécessité de commencer le combat avec ce que j’avois de vaisseaux, et que je ne pouvois plus différer sans donner aux ennemys l’occasion de se sauver, d’autant plus que la journée estoit fort avancée… »

Ce parti pris, du Guay-Trouin, sans plus s’occuper de Forbin, signale à ses bâtimens d’approcher de lui à portée de voix, et leur communique son plan d’attaque ; il ordonne à l’Achille d’aborder le Royal Oak, qui était en queue ; au Jason d’aborder le Chester, précédant le Royal Oak, il se réserve d’aborder lui-même le trois-ponts le Cumberland, au centre de la ligne ennemie, et ordonne à la Gloire de le suivre et de l’accoster dès qu’elle le verrait accroché au Cumberland, afin de lui jeter une partie de son équipage pour remplacer les hommes qu’il aurait lui-même jetés à bord de l’anglais ; enfin, il prescrit au Maure d’aborder le Ruby, matelot d’avant du Cumberland et à l’Amazone, le meilleur marcheur de son escadre, de donner sur la flotte marchande, à moins qu’elle ne s’aperçût que quelqu’un des nôtres eût besoin de son secours.

Comme on le voit, dans ce plan de combat, du Guay-Trouin