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Pontchartrain lui répond d’abord que, s’il approuve l’idée de se joindre à Forbin pour quelque croisière, celle d’une attaque sur les rades de Plymouth et de l’île de Wight lui paraît présenter plus d’inconvéniens que d’avantages ; il l’engage à demander conseil au marquis de Coëtlogon, commandant la marine à Brest, et à en conférer avec Forbin. Puis, ayant reçu les lettres de ceux-ci, il envoie à du Guay-Trouin les instructions suivantes :


« Monsieur,

« J’ai reçu la lettre que vous m’avez escrite le dix de ce mois, et j’en ay rendu compte au Roy : Sa Majesté est satisfaite de votre bonne volonté et du zèle que vous avez marqué en proposant de vous joindre à M. de Forbin pour aller faire quelque expédition dans les rades de Plimouth et de l’île de Wight. J’avois préveu les inconvéniens que MM. de Coëtlogon et de Forbin y ont trouvés ; ainsy je n’en suis pas surpris : cependant Sa Majesté approuve que vous alliez avec le comte de Forbin jusqu’au cap Lezard, et que vous croisiez avec luy jusqu’à ce que les vents lui permettent de faire sa route. »


Cette route, c’était celle de Dunkerque où Forbin devait désarmer son escadre pour l’hiver.

En outre des inconvéniens d’ordre militaire qu’il prévoyait, Pontchartrain avait un autre motif, d’ordre politique, pour interdire au vaillant marin de risquer ses vaisseaux dans une attaque sans intérêt immédiat contre les bâtimens de guerre anglais mouillés à Plymouth ou à l’île de Wight. Il savait, par les agens secrets qu’il entretenait en Angleterre, qu’une flotte marchande très nombreuse devait porter en Portugal et en Catalogne des secours importans en vivres, munitions, troupes et chevaux, secours dont l’armée anglo-portugaise, qui luttait en Espagne contre le petit-fils de Louis XIV, avait le plus grand besoin depuis sa défaite à Almanza, le 13 avril 1707, par le maréchal de Berwick ; le Duc d’Orléans avait mis le siège devant Lérida ; il importait donc, pour réduire cette place et consolider la situation du maréchal, de détruire ou de disperser ce convoi, et c’est à cette besogne que le ministre comptait employer Forbin et du Guay-Trouin. Le 12 octobre, il leur envoie à chacun séparément l’avis suivant :

« M. de Saint-Clair, capitaine de vaisseau, qui commande