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ensemble de 400 à 950 millions de francs. Il est vrai qu’à Chaillot et à la Porte-Dauphine, la valeur locative est sept fois et quatorze fois plus élevée qu’il y a cinquante ans, tandis qu’elle est restée presque stationnaire dans le centre.

Dans le faubourg Saint-Germain, certains immeubles bâtis sous la Régence ont simplement doublé de prix, témoin l’hôtel d’Avaray, une des rares habitations parisiennes qui, depuis deux siècles, se soit transmise immuable de père en fils jusqu’à nos jours. En 1718, le marquis d’Avaray, maréchal de camp, aïeul de celui qui fut le compagnon fidèle de Louis XVIII durant la Révolution, acquit rue de Grenelle un terrain de 2 500 mètres pour le prix de 104 200 francs. Ce taux de 41 francs le mètre semble excessif, comparé au sol maraîcher de la rue de Sèvres qui valait 1 franc en 1733 ; il était au contraire avantageux, rapproché des 60 francs que l’on demandait en 1707 pour un lot de 2 000 mètres au coin de la rue du Bac et du quai d’Orsay. Le placement n’était pas mauvais en somme, puisqu’en 1779, il se vendit du terrain à 93 francs rue de l’Université, aux environs de la rue de Solférino. Pour son hôtel, édifié entre cour et jardin, M. d’Avaray ayant déboursé 501 000 francs, cette demeure lui revenait ainsi à 605 000 francs. Elle n’est cependant pas estimée aujourd’hui plus d’un million, parce que, si le sol a théoriquement décuplé de valeur, ce serait à condition de remplacer l’hôtel seigneurial par une maison de location.


III


Ces capricieuses évolutions étaient impossibles à prévoir dans ce Paris à qui il avait fallu un millier d’années, de Charlemagne à Napoléon, pour grouper ses 600 000 habitans de 1810 et qui, depuis cent ans, en a conquis 2 millions de plus. Au temps où la capitale était à peine du neuvième de sa superficie actuelle, le cardinal de Richelieu la déclarait à son apogée, « digne de l’admiration d’un chacun comme la huitième merveille du monde. » Le pouvoir était hostile à toute extension ; les terrains à l’intérieur de la ville semblaient suffire, leur prix n’avait rien d’exorbitant. Ceux du Marais, aussi recherchés sous Louis XIII que ceux des Champs-Elysées actuels, valaient de 21 à 45 francs le mètre. Si l’on rencontre au commencement du XVIIIe siècle, pour une enclave de 66 mètres près du Châtelet,