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Cette distinction a son importance parce que, dans la comparaison que nous faisons ici du passé et du présent, nous avons évalué les loyers d’autrefois, urbains ou ruraux, aussi bien d’après le prix d’achat ou de construction des maisons, que d’après leur loyer effectif.

Sur cette base, le loyer le plus élevé du Paris ancien, après celui de l’hôtel de Nesle, fut de 65 000 francs, rue Saint-André-des-Arcs, pour L’hôtel d’Orléans, possédé (1401) par Amédée, premier duc de Savoie. C’était une manière de palais, avec lambris et plafonds de bois d’Irlande « de la même façon qu’au Louvre. » Il s’y remarquait un plus grand souci de luxe qu’à l’hôtel de Bourgogne, où Jean sans Peur couchait dans une chambre toute de pierres de taille, terminée de mâchicoulis. » A l’hôtel d’Orléans, les précédens propriétaires, le duc, père du célèbre Dunois, et la duchesse (Valentine de Milan) avaient occupé chacun un étage du corps principal dont l’appartement se composait d’une grande salle, d’une chambre de parade, — 16m, 50 de long ; — d’une grande chambre, — 12 mètres sur 6 ; — d’une garde-robe, de cabinets, — 7 mètres sur 4, — et d’une chapelle. Les croisées avaient 4m, 50 de haut sur 1m, 50 de large. Dans les sous-sols, les combles et les dépendances étaient installés le cellier, où se faisait l’hypocras, l’échansonnerie, la fruiterie, l’épicerie, et aussi la pelleterie, la maréchalerie et la fourrière, servant de remise aux « chariots branlans. »

Au XIVe siècle, les loyers princiers de la comtesse d’Artois (19 000 francs), de l’hôtel de Forez (13 000 francs) appartenant au duc de Bretagne, des hôtels de la Reine Blanche et du comte Palatin du Rhin, tous deux de 11 600 francs, s’appliquent à des logis où les plus grands personnages voisinaient avec de très humbles bicoques, dans les rues de la Tixeranderie, Saint-Jacques et de la Huchette. Rue Trousse-Nonnain, l’évêque de Châlons se déclarait fort incommodé (1368) par les femmes de mauvaise vie dont les asiles garnissaient ses entours. D’autres, pour avoir plus d’espace, s’étaient campés au milieu des vignes et des champs, dans les « cultures » Saint-Martin, Montmartre, du Temple ou rue des Fossés-Saint-Germain.

Sur le sol qui devait un jour former la place du Carrousel, dont le déblaiement ne fut achevé qu’au XIXe siècle, des maisons, démolies et reconstruites, des jardins et des ruelles, empiétant tour à tour les uns sur les autres, se succédèrent pendant cinq