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d’Aguesseau pour qu’il impose sa volonté… En 1752, M. de Montconseil, commandant pour le Roi, remplace à l’église son banc par un prie-Dieu et un fauteuil : le Conseil s’oppose de toute son énergie à une innovation qui lui semble un empiétement. M. d’Argenson, ministre de la Guerre, doit s’en mêler en 1754 et décider que M. de Montconseil utilisera son prie-Dieu et son fauteuil. Fort de cet appui, M. de Montconseil place à sa gauche pour son major une chaise et un carreau de panne rouge brodé et orné. Le Conseil écrit à l’instant à M. d’Argenson que « cela blesse la majesté de la Cour souveraine, » le ministre approuve M. de Montconseil, et le Roi approuve le ministre. La compagnie engage alors des pourparlers avec M. de Montconseil. Celui-ci s’amadoue, mais le 13 mai 1759, à l’occasion d’un Te Deum, il défend subitement aux bourgeois en armes de battre aux champs quand le Conseil se dirigera vers l’église. Les conseillers décident qu’ils n’iront plus chez lui : le commandant révoque sa défense. Mais en 1762, tout recommence : M. de Montconseil avertit le premier président que, désormais, on ne lui rendra pas les honneurs sur le chemin qui mène à l’église. La Compagnie, pour aller à la messe, fait aussitôt un long détour, afin d’éviter le lieu où était le piquet de soldats… Les hostilités s’étendent encore sur plusieurs années.

Colmar, c’est le Conseil souverain, et le Conseil souverain, c’est Colmar ; Colmar ne peut pas exister sans le Conseil souverain, et le Conseil souverain ne veut pas exister ailleurs qu’à Colmar. La Révolution supprime en 1790 le Conseil, et bien qu’elle installe en compensation l’évêché à Colmar, la ville s’insurge. Un conseiller groupe les mécontens en une compagnie de chasseurs, qui se dénomme la compagnie verte. L’émeute est sur le point d’éclater : heureusement le maire la conjure grâce à son habileté, mais le mécontentement et l’agitation persistent, d’autant que tous les membres du Conseil souverain ont été ai-rites. Tout a été bouleversé : l’Alsace est divisée en deux départemens, les tribus ont disparu, une municipalité succède au Magistrat, le droit de bourgeoisie n’a plus de valeur, les couvens sont fermés, l’Eglise est souillée ; trois commissaires du gouvernement sont envoyés pour réprimer les troubles, Mathieu Dumas, Hérault de Séchelles, Foissey. Une revendication domine toutes les autres revendications : qu’on rétablisse le Conseil souverain, ou tout au moins que, par une institution