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d’admission de maîtres-sculpteurs. La charpente des combles étonne par l’aisance de son enchevêtrure, la conservation presque complète de ses bois, son toit hardiment lancé, sa vaste surface.

Ainsi les vieilles constructions religieuses ou municipales dressent, un peu partout, dans la ville, leur témoignage du passé. D’une façon plus familière, les vieilles maisons privées donnent le même enseignement et la même volupté. Elles sont nombreuses, les vieilles maisons de Colmar, et elles sont toutes célèbres. C’est « la maison des têtes » de pure Renaissance, ainsi nommée pour les têtes grimaçantes et les cariatides grotesques qui réjouissent les pilastres des fenêtres, les deux étages de la tourelle et le portail cintré : c’est la maison Staub, une des plus belles de la Renaissance primitive de l’Alsace, si légère, si gracieuse, avec sa petite galerie à cinq arcades d’une simplicité si touchante et sa grande galerie dans la riche balustrade de laquelle persiste le gothique flamboyant ; c’est la maison Plister, autrefois à l’enseigne du Chapeau, qui date de 1537, la maison la plus curieuse peut-être de toute l’Alsace, avec sa galerie de bois qui tourne tout autour du corps principal, sa cage d’escalier qui forme une tourelle à pans coupés, et surtout sa tourelle carrée en encorbellement qu’ornent des peintures religieuses, — vertus théologales et vertus cardinales, — et les médaillons de Charles-Quint et de trois autres souverains ; c’est la maison Adolphe, avec ses quatre fenêtres ogivales du premier étage et sa grande fenêtre trilobée du second ; c’est la maison Hoffman, avec sa tourelle d’une décoration si opulente ; c’est la maison Hillenmeyer, avec son portail Renaissance ; c’est la maison Macker, de la dernière période gothique ; c’est la maison « au Vaisseau d’or, » du XVIe siècle, avec ses fenêtres à angles vifs et sa girouette de l’époque.

Beaucoup sont des maisons parlantes : elles adressent, la parole au passant par des inscriptions en vieux latin de psaume ou en vieil allemand.

Deus dedit incrementum, dit l’une, deus quoque custodiet.

Et encore :

Accrescat domini res simul et decus, egregiis factis debita gloria.

Pax intrantibus, salus exeuntibus, dit l’autre.

Soli Deo gloria, dit une troisième.