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de-Jérusalem ; l’hospice civil est l’ancien couvent des Franciscains, l’église du célèbre couvent des Unterlinden est le musée.

C’est toujours autour d’une église qu’une ville s’est construite ; c’est tout autour de Saint-Martin que Colmar s’est développée. Certes, cette église n’offre pas les splendeurs de la cathédrale de Strasbourg, mais elle est tout de même un monument considérable de la période ogivale en Alsace et se tient au premier rang parmi les édifices sacrés ; et puis elle est robuste et digne comme la bourgeoisie qui a crû sous sa protection. Le transept, qui conserve encore quelque chose de l’archaïque style byzantin, le chœur d’une si charmante sveltesse, et la nef qu’écrase un peu la masse de la tour, rendent dans leur ensemble l’image symbolique de la croix. Deux tours devaient flanquer le grand portail : il n’y en a qu’une, la tour du Midi, celle du Nord s’arrêtant à la hauteur des combles de la nef. Pas de construction parasite moderne, si l’on excepte le malheureux minaret qui surmonte le clocher, et qui fut bâti à la suite d’un incendie ; l’ornementation sobre laisse courir les lignes qui s’agencent en liberté. En voilà assez pour séduire les archéologues. Quant à celui qui cherche le passé, il ne contemplera pas sans émotion l’église : depuis le jour où, autorisée par bulle de Grégoire IX, elle s’éleva au XIIIe siècle sur l’emplacement d’une chapelle consacrée à saint Martin, elle a participé à tous les événemens, tristes ou heureux, qui forment l’existence de Colmar, et tout ce qui a été sa propre histoire se confond avec l’histoire même de Colmar. La Réforme brise les vitrages, pille la sacristie, disperse les calices et le reliquaire, interdit la chaire aux religieux, défend les sonneries des cloches… Quand, en 1673, Louis XIV vient à Colmar, c’est le chapitre qui va au-devant de lui, processionnellement, précédé de ses croix et bannières, ayant à sa tête l’abbé de Munster… La Révolution démolit les stalles, les autels, la chaire, les confessionnaux, en vend les débris comme bois de chauffage, abat les croix, les statues, envoie les cloches à Strasbourg pour qu’on les fonde, puis, l’église une fois vide, l’encombre d’estrades et de tribunes, dispose dans le chœur un échafaudage qui représente une montagne, y cloue des tapis verts, l’orne avec quelques sapins et les statues de Voltaire et de Rousseau, y installe l’autel de la déesse Raison, et les jours de fête allume, sur le sommet, un grand