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monde extérieur dans un état de relations qui change à chaque instant. Le même objet varie suivant le jour et l’heure ; il est des circonstances où nous en jouissons pleinement, parce qu’il s’établit une sorte d’harmonie, d’accord parfait entre lui et nous. C’est ainsi qu’en voyage, nous sommes plus sensibles à certains paysages et à certains ouvrages d’art qu’à d’autres infiniment supérieurs. Pourquoi, par exemple, à plusieurs années de distance, n’ai-je pas oublié les cimes balancées de ces deux cyprès ? Pourquoi sont-elles à jamais fixées dans ma mémoire ? Peut-être simplement parce que je les vis onduler dans des yeux heureux, les mêmes yeux qui les reflètent aujourd’hui…

Mais l’heure avance ; il faut repartir. En ligne droite court le large et long ruban de la Via Emilia qui traverse des villes à l’aspect guerrier : Castel San Pietro, Imola, ceinte de murs, dominée par sa Rocca massive, et Castel Bolognese, gros bourg également entouré de remparts bien conservés, avec leurs tours d’angle et leurs bastions circulaires, ancienne place forte où, dit-on, Piccinino battit Gattamelata.

Puis, voici Faenza et sa place à arcades, bordée de beaux édifices parmi lesquels la cathédrale a vaguement, en plus petit, l’aspect de San Petronio. Au musée, je revois avec plaisir le joli petit buste de Saint Jean que Burckhardt attribue à Donatello, mais qui est plutôt de Rosselino ou de Desiderio da Settignano, et le Saint Jérôme en bois qui, lui, est probablement de Donatello. Une riche collection de faïences rappelle l’importance qu’eurent jadis les céramistes de la ville ; à la fin du XVe siècle et au début du XVIe, leur vogue fut considérable. Les ateliers voisins de Césène, Forli, Ferrare et Rimini luttaient sans succès contre eux ; c’est ainsi qu’un décret trouvé dans les archives de Ravenne, daté de 1532, interdit l’importation et la vente des produits de Faenza sauf les jours de marché. Quelques fabriques modernes essaient de renouer la tradition.

À peine a-t-on dépassé les faubourgs de Faenza qu’on aperçoit à l’horizon les hautes tours de Forli. Sur la route, nous commençons à croiser les petites voitures peintes que l’on trouve dans toutes les régions des bords de l’Adriatique. Les champs de chanvre deviennent plus fréquens et empestent l’air de leur odeur nauséabonde.

À Forli, la Via Emilia longe un côté de la Piazza Maggiore, devenue, comme partout, la Piazza Vittorio Emanuele, assez