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Pietà de San Pietro qui se compose de quatre figures seulement : Nicodème soulevant le corps du Christ et la Vierge à genoux appuyée sur saint Jean. Puisque l’artiste a voulu faire un tableau pathétique, il faut bien reconnaître qu’il a absolument réussi. L’œuvre est pleine de simplicité et de grandeur ; on y sent même, — ce qui manque trop aux autres, — une véritable émotion. Si ce n’était un peu de mauvais goût dans l’abondance et le flottement des draperies, on pourrait admirer sans réserve ; toutefois, il me semble que Burckhardt va trop loin quand il déclare que « ce groupe atteint les hauteurs sereines des chefs-d’œuvre du XVIe siècle. »

Ce que je reproche surtout à Mazzoni et à Begarelli, c’est d’avoir faussé les principes de la sculpture et ouvert ainsi la voie à toutes les erreurs. Ils sont en quelque sorte les précurseurs et les créateurs de l’art des boutiquiers de Saint-Sulpice. Comment pourrais-je regarder sans gêne les maîtres de Modène, si je songe aux crèches de Noël, aux crucifiemens, aux adorations, à toutes les œuvres de terre cuite, de cire ou de carton peint qui déshonorent nos églises ?


V. — BOLOGNE

Ce qui frappe le plus à chaque retour à Bologne, c’est l’effort déployé par cette cité pour devenir un centre important. Sa principale ambition est d’égaler Florence, sa voisine et rivale. Admirablement située au croisement des grandes voies ferrées de la péninsule, elle pourrait aspirer à être la capitale de l’Italie, si les considérations économiques déterminaient seules ce choix. Elle ne veut plus, en tout cas, être seulement Bologne la savante et, si elle frappait de nouveau monnaie, elle ne se bornerait certainement pas à sa vieille devise : Bononia docet. Malgré sa croissance, ses rues sont souvent mornes et vides, sauf aux alentours de la Piazza Vittorio Emanuele, si pittoresque avec sa ceinture de beaux monumens, et de la Piazza del Nettuno où se dresse la fontaine de Jean Bologne, ce Français que ses œuvres, au moins autant que son nom, firent considérer parfois comme Italien. Le charme particulier de la ville, c’est que son activité se déploie dans le cadre antique où elle grandit ; elle a échappé au nivellement et aux lignes droites ; certaines voies décrivent de vraies courbes. On a peu démoli, à peine quelques