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« les forces religieuses régénératrices » susceptibles de surgir, encore, du catholicisme allemand. Autour de Bismarck s’agitaient ainsi, contre l’Eglise romaine, d’ambitieuses et vagues illusions, qui comptaient sur la force bismarckienne, plus encore que sur le Dieu de Luther, pour s’épanouir, enfin, en réalités victorieuses.

Toujours militantes, toujours insatisfaites, ces illusions composaient autour du chancelier une atmosphère affolante, où passaient à tous momens des vents de guerre ; mais ce n’est pas là que mûrissait le programme même de la guerre et que s’en concertaient les tout prochains détails. Ce programme se préparait loin de Bismarck, un peu à l’écart de lui, et même, parfois, presque malgré lui.

Les juristes que, dès le mois d’août, Falk avait convoqués, étudiaient en silence : tous les projets seraient fixés, pour l’heure où Bismarck, dans une saute d’humeur, les mettrait à l’ordre du jour ; toutes les étapes seraient concertées, pour l’instant où il serait du goût de Bismarck de les franchir. Un bureaucrate consciencieux, Hübler, centralisait le travail. On consulta d’abord les plus illustres canonistes protestans ; c’étaient, à côté du député Dove, les professeurs Hinschius, Friedberg, Otto Meier ; et puis, en septembre, on invoqua l’avis d’un célèbre canoniste vieux-catholique, M. Schulte.

Hinschius, tour à tour professeur aux universités de Kiel et de Berlin, penchait vers une séparation entre les Églises et l’Etat. Il admettait que les prêtres, librement nommés par l’évêque, célébrassent un culte public, et que l’Eglise pût être propriétaire, sous certaines réserves destinées à entraver les progrès de la mainmorte. Mais que l’Etat mît son influence au service du catholicisme, qu’il le fît enseigner à l’école, qu’il gardât dans ses universités des facultés de théologie, qu’il prêtât le concours de ses fonctionnaires pour la levée des impôts d’Eglise, Hinschius ne le voulait plus ; et il s’opposait, aussi, à ce que l’Etat se laissât enchaîner par des traités conclus avec le Pape, et prolongeât les libéralités pécuniaires imposées par ces traités. Bref, au gré d’Hinschius, l’État devait prévenir les catholiques qu’à l’avenir il ne connaissait plus ni leur Dieu, ni leur Pape, et que, d’ailleurs, ils étaient libres.

C’est aux antipodes que se tenait M. Schulte : il visait, lui, la hiérarchie épiscopale. Elle régnait sur l’enseignement