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la Croix, publiait une brochure intitulée : Empereur et Pape ; elle paraissait au même instant où le Memorandum épiscopal remuait les catholiques d’Allemagne. Tous ces fils du complot se croisaient, s’enchevêtraient, se resserraient, se consolidaient entre eux, formaient un réseau dont les Jésuites, sans doute, connaissaient l’arrogant mystère ! Bismarck pouvait lire, dans cette brochure protestante, à côté de l’apologie de l’Eglise, celle du Centre lui-même, avec lequel Louis de Gerlach avait noué des liens indissolubles. Un autre ancien ami de Bismarck, Andrae, confiant au publiciste Rudolf Meyer les plans de certaines initiatives sociales, lui disait son rêve d’obtenir la collaboration des catholiques ; quelque « périlleuses » et « néfastes » que lui parussent les « aspirations du jésuitisme, » il traitait d’iniquité, de sottise, la façon dont on les combattait, et il considérait que les conservateurs soucieux des intérêts religieux devaient rechercher de nouveaux points de contact, ébaucher des liens nouveaux, avec des individualités catholiques.

On avait encore pu, quelques mois auparavant, mobiliser contre la Société de Jésus les piétistes de la vieille Prusse ; mais un certain nombre d’entre eux gardaient pour la religion, pour les grands intérêts moraux du pays, une sollicitude anxieuse ; et l’offensive de l’Etat contre un évêque leur déplaisait, dès qu’ils la voyaient applaudie par tous les ennemis de l’idée chrétienne. Windthorst développait devant ses électeurs le plan d’une défensive religieuse à laquelle concourraient les fidèles des deux Eglises : le discours de Windthorst et la brochure de Gerlach semblaient se faire écho, pour laisser craindre à Bismarck la désertion progressive de beaucoup de protestans croyans.

Une autre désertion semblait possible, dont l’éventualité l’alarmait plus encore : celle de la Bavière. La mort du premier ministre Hegnenberg, survenue le 2 juin, avait été suivie d’une longue crise qui durait encore en septembre. Louis II joignait à sa haine de l’ultramontanisme certaines velléités de particularisme ; selon qu’il pensait à la politique ou qu’il s’égarait dans la théologie, les combinaisons ministérielles qu’il ébauchait variaient singulièrement. Sa politique tendait à s’appuyer sur des ministres qui lussent capables de parler net à la Prusse ; ses lubies théologiques, entretenues par certains personnages de son cabinet privé, le poussaient à mettre à la tête de l’État des hommes qui parlassent net à l’Eglise. Plusieurs semaines