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réjouira, car, par la force des choses, nous ferons libéralement son jeu pour l’aider à déchristianiser la France. » Si, en effet, le cardinal Ferrata lisait nos journaux libres censeurs, les militans de l’anticléricalisme, il y venait que ce qu’il appelle l’esprit du mal s’est réjoui de ce qui l’enchante lui-même, et il n’y avait là aucun artifice de polémique, le sentiment était sincère. Certaines personnes croient que l’instruction religieuse n’a qu’une importance secondaire et que la pratique suffit. Mais la France est un pays essentiellement logicien et les pratiques elles-mêmes ne s’y maintiendront pas longtemps lorsque les croyances, déjà si affaiblies, auront définitivement disparu. L’école, chez nous, est une grande force, qu’elle soit religieuse et qu’on y enseigne le catéchisme, ou qu’elle soit laïque et qu’on y enseigne les élémens de la science. C’est là que se forme l’âme de l’enfant. On discute pour savoir comment combiner l’enseignement religieux et l’enseignement laïque. Quelles seront les heures de catéchisme et les heures de classe ? Quand finira le rôle de l’instituteur et commencera celui du prêtre ? Il est à craindre que ces difficultés ne soient résolues dans l’avenir plus facilement qu’aujourd’hui. L’instituteur s’emparera de l’enfant lorsqu’il sortira des mains du prêtre à sept ans, et le conservera sans partage. Ceux qui croient à l’influence salutaire de l’enseignement religieux le regretteront.

Qu’il nous soit permis, avec tous les ménagemens qui conviennent, d’exprimer ici un regret : évidemment le Saint-Père a pris sa décision sans consulter les évêques de France, pas plus d’ailleurs que ceux des autres nations. Les mœurs religieuses des divers pays ne sont pas les mêmes ; pourquoi ne pas s’en informer ? pourquoi ne pas en tenir compte ? pourquoi appliquer partout la même règle ? pourquoi envoyer partout des instructions uniformes ? Catholique veut dire universel, mais l’universalité ne va pas sans des modalités différentes, en dehors des choses de foi bien entendu. On sait comment est composé le Sacré Collège : il est à peu près tout entier entre des mains italiennes. À mesure que s’est accru sur les âmes le pouvoir spirituel du Saint-Père, cet inconvénient est devenu plus sensible, et des faits comme ceux qui viennent de se produire ne peuvent que le rendre plus sensible encore. La lettre qui condamne le Sillon, établit fortement les lignes de la hiérarchie catholique : le Pape seul au sommet, puis les évêques, puis les curés, et au-dessous le peuple immense des fidèles. Le Pape ordonne, les évêques transmettent l’ordre aux curés, et ceux-ci aux fidèles qui doivent obéir. Ils le doivent, en effet, sinon ils cesseraient d’être catholiques. Mais