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la nature du sol rendrait réalisable, ne tente pas les habitans des campagnes. Ils ne font rien pour améliorer les voies de communication entre les villages, pour utiliser la force animale si abondante, et l’industrie des transports, si rémunératrice, ne s’exerce qu’au profit des Européens. Moins avancés que Siamois, Annamites ou Chinois, ils ne connaissent pas l’irrigation, la mécanique hydraulique ; ils sont réfractaires à l’emploi de la brouette, au dressage du bœuf comme animal de bât ou de trait, et le portage humain reste une des principales calamités du pays.

Pauvres, manquant de débouchés, ne sachant pas s’en créer, les Malgaches échappent cependant à l’attraction des villes où il semblerait qu’ils doivent se précipiter pour y trouver une existence moins misérable. D’ailleurs, de toutes les agglomérations à Madagascar, Tananarive seule mérite le nom de cité. Tous les autres chefs-lieux de provinces, même les plus réputés, Diego-Suarez, Tamatave, Majunga, Fort-Dauphin, Tulear, Antsirabe, Fianarantsoa ne sont que des bourgades moins importantes qu’un petit chef-lieu de canton de France, et qui ne doivent guère leur apparence de vie qu’à la présence d’une garnison. Tananarive, même, que les imaginations exaltées donnent comme rivale à Nice pour son climat, à Cocagne pour ses facilités d’existence, n’est qu’une ville de 40 000 habitans, sans égouts, sans eau, sans animation, mais on y peut étudier les Hovas sur le vif. C’est là que l’observateur mettra le mieux au point les appréciations d’autrui et ses propres impressions.

Certes, on ne saurait nier que, de toutes les populations de l’île, la race hova ne soit la plus intéressante. Dans les rues accidentées de la capitale malgache, l’œil est attiré par des enseignes, des affiches, des boutiques ou des ateliers qui prouveraient une rare facilité d’assimilation. Les médecins diplômés des Facultés de France voisinent avec les élèves primés d’une Ecole professionnelle ou les lauréats d’une Exposition régionale ; sur les murs, un programme théâtral s’étale à côté d’une profession de foi ou d’un appel aux « concitoyens malgaches. » Sur les trottoirs, passent avec une morgue élégante, un sourire protecteur, les « petits faux-cols » vêtus à la dernière mode parisienne ; sur les courts des Tennis-Clubs, les anciens pages de Ranavalo manient la raquette avec grâce ; les équipes indigènes disputent parfois la victoire aux équipes européennes. Un Hova médaillé comme une bannière d’orphéon dirige la