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Chinois, les Siamois et les Birmans trouveraient les élémens d’un commerce fructueux, les rares habitans Betsiléos, Betsimisarakas, Tanosy végètent indifférens. La vie animale ne s’y manifeste que par la présence de quelques peuplades misérables qui cherchent au milieu des clairières un asile contre l’impôt, les corvées et les réquisitions ; le silence n’y est guère troublé que par le grondement des torrens, le halètement poussif des locomotives qui montent vers Tananarive ou descendent vers Brickaville, les grincemens des pousse-pousses qui circulent entre Mananjary et Fianarantsoa.

Cette mélancolie des espaces mornes, cette impression de solitude sont plus vives encore dans la zone des hauts plateaux dénudés. Là, pendant des heures et parfois pendant des jours, on va sur d’étroits sentiers, franchissant les vastes croupes qui se transforment, suivant la saison, de vagues vertes dominées par des îlots granitiques en steppes brûlés par le soleil. Dans les vallons qui les séparent, la terre grasse, humide, attend vainement les rizières, les champs de légumes, les viviers poissonneux. Des hameaux abandonnés, des pans de murs rougeâtres augmentent la tristesse d’un paysage dépourvu d’arbres et font songer à quelque épidémie violente, à quelque passage destructeur de hordes indisciplinées. Mais nul fléau naturel, nul Attila contemporain n’ont causé cette ruine et cette désolation. Les habitans, trop clairsemés, déplacent leurs villages dès que les terres cessent d’être fertiles ou que les oracles d’un sorcier les y obligent. Ils abandonnent sans regret leurs cases ; ils emportent avec leur pauvre mobilier, fait de jarres, de nattes et d’outils rudimentaires, les poutres de leur charpente, les planches vermoulues de leurs portes et de leurs fenêtres, et vont fonder ailleurs, sur un mamelon, près d’un cours d’eau, un groupement aussi éphémère. Les agglomérations que favorisent leur situation sur des voies commerciales, l’étendue des plaines cultivables qui les entourent, l’abondance des ressources naturelles, ont un caractère de fixité, de permanence analogue à celui de nos villages européens ; mais, en réalité, la population malgache est formée de nomades dans la proportion des trois quarts environ. Les migrations sont restreintes ; chaque famille ou chaque clan a son terrain de cultures comme les tribus indiennes ont leurs parcours de chasse. Les villages disparaissent, surgissent au grand désespoir des cartographes assujettis