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L’amitié dont votre dernière lettre était pleine m’est bien précieuse, je l’aime et me plais à vous le dire.

A votre dame et à vous et d’esprit et de cœur.

A. BRIZEUX.

Faut-il enfin écrire à l’Académie ?

A Marseille (poste restante) pour une grande semaine.


Ce post-scriptum : « Faut-il enfin écrire à l’Académie ? » nous en dit long, dans sa brièveté, sur l’état d’esprit de Brizeux. Ce poète est comme l’enfant à qui l’on a montré une dragée : il la réclame.

Mais c’est pour d’autres que se manifeste le bon vouloir des académiciens. On ne fait pas attendre Emile Augier, « soutenu, dit Brizeux, par le gouvernement. » On ne tardera pas à lui donner pour confrère le concurrent de 1857, Victor de Laprade, qui, peu de temps après sa réception, à l’occasion d’une pièce d’Augier, les Effrontés, écrira la satire Les Muses d’État, et paiera, de sa place à la faculté de Lyon, cette protestation indépendante et vigoureuse.

Les patrons de Brizeux lui disent : Patientez. Ce conseil lui paraît étrange, après les premiers encouragemens. Aux marques de sympathie que, les lendemains d’élection, lui adressent Vigny et Sainte-Beuve, il finit par répondre que, si l’on veut de lui, on prenne soin de le lui faire entendre. Voici ce qu’il écrit, le 20 novembre 1857, à Vigny :


Ainsi, mon cher ami, vous voudriez bien encore penser aux absens ! Dans les prochaines élections, vous verriez pour moi des chances favorables ; de loin, — je vous l’avoue, — elles me semblent bien chanceuses. Ce qui m’est certain, c’est que si celui-là qui se sent poète peut très bien siéger seul au sein de la nature, il peut aussi désirer dans sa vieillesse de s’asseoir parmi quelques esprits d’élite, et je goûte assez peu la simplicité feinte de Déranger. Je sais aussi qu’on n’entre pas du premier coup dans votre salon ; cette faveur ne s’accorde du moins qu’à ceux qui n’ont aucun titre littéraire :


Vous me ferez, Seigneur,
En arrivant, beaucoup d’honneur.


Encore faudrait-il ne pas s’en aller heurter contre tel ou tel ; que l’Académie, qui vous connaît, montrât son désir et qu’un certain nombre de voix vous fût assuré. Sur ceci, Sainte-Beuve m’écrivit, il y a deux mois environ, quelques lignes des plus aimables, mais dans une expectative qui ne peut plus être la mienne. Veuillez, cher ami, lui en toucher deux mots.