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pauvres hères ; peu après son ostracisme (461), un personnage de Kratinos soupirait ainsi dans les Archilogues :


Et moi je me flattais, moi Métrobios le greffier,
Que l’homme divin entre tous, le premier des Grecs,
Cimon enfin, me ferait une vieillesse dorée, à ses côtés.
Mais Cimon m’a laissé : il est parti avant moi.


Mais les immigrés restèrent de plus en plus an Pirée comme bateliers, ouvriers de constructions navales, etc. ; vers 453, le port commençait à être bien peuplé. C’étaient les élémens les plus actifs de la plèbe, ceux qui maintenant se sentaient nécessaires à la grandeur de la cité : toujours, réunis, prépondérans dans les assemblées populaires, leurs votes avaient fait la révolution de 462-461. Aussi, dès que commencèrent les luttes avec le Péloponnèse, la première préoccupation du pouvoir nouveau fut de relier la capitale avec les ports, où résidaient ses adhérens les plus sûrs : de là la construction des Longs-Murs.

On comprend mieux maintenant la portée de l’évolution dont nous avons parlé, et qui avait englobé peu à peu dans la classe des hoplites jusqu’aux plus modestes propriétaires fonciers. La classe des thètes ne comprit plus guère désormais que la population urbaine de la ville et du Pirée, qui avait absorbé en un quart de siècle l’ancien prolétariat agricole. C’est pour elle qu’allaient être entrepris les grands travaux du temps de Périclès et de Nicias, le Parthénon, les Propylées, l’Erechthéion. Par suite de l’abaissement du cens des hoplites et de l’envoi des clérouchies, la classe des thètes, insouciante à Athènes comme partout, qui n’épargnait guère et multipliait beaucoup, s’est maintenue à peu près au chiffre de l’époque précédente : une vingtaine de milliers d’adultes. Lorsqu’Athènes mettait en mer des flottes de 100 trières, sous Périclès, elle ne fournissait plus guère que les pilotes, les soldats de marine, et les rameurs du premier banc, ceux qui maniaient les plus longues rames, « le peuple des thranites, sauveur de la ville. » Le reste était recruté à prix d’argent parmi les métèques (étrangers domiciliés), les esclaves, mais surtout parmi les étrangers, et le Pirée devint ainsi un lieu de va-et-vient pour les populations maritimes de l’Archipel.

Aussi fallut-il prendre des mesures pour empocher un envahissement trop rapide de la dernière classe par les élémens venus du dehors.